Etape 1 – Trieste (ITA) → Matavun (SLO) – km 29

Vendredi 30 juin 2023

Distance29 km
D+ / D- 973m / 576m
Heure de départ et d’arrivée08h00 – 17h00
MétéoEnsoleillé, 27°C

Parti de Brno en train la veille a 18h45, ce n’est pas après ma meilleure nuit de sommeil que je débarque sur le quai de la gare de Trieste vers 7h40. Je suis immédiatement assailli par l’atmosphère méditerranéenne: la chaleur est déjà vive, les lieux sont agités et bruyants.

Ayant voyagé a vide, la tâche la plus urgente est de se ravitailler. Après 10mn à tourner dans la gare en travaux (©”atmosphère méditerranéenne”), je finis par trouver les toilettes pour remplir mes bouteilles d’eau. Pour la nourriture par contre, je décide de reporter à plus tard. Moins longtemps je me chargerai de ce poids supplémentaire, et plus mes épaules me remercieront. Je me mets directement en route vers le proche front de mer qui marquera mon départ, afin de faire la photo qui va bien. Depuis longtemps déjà, j’ai décidé de ne pas suivre le tracé officiel de la première étape de la Via Alpina, qui s’élance de Muggia, un village situé de l’autre côté de la baie de Trieste. Le rejoindre en transports en commun me ferait perdre trop de temps alors que je n’ai que 9 jours pour compléter ma traversée. En outre le chemin et les quelques kilomètres supplémentaires que cette partie rajoute ne semblent pas follement intéressants. Enfin voilà, l’important reste de partir de la mer, pour une traversée complète. Ainsi le rêve reste permis.

Après une courte visite de Trieste (moins moche qu’il n’y paraît malgré son passé industriel, un mélange d’architecture impériale autrichienne et de petites rues a l’italienne), je pars en ligne droite pour sortir de la ville et gagner les hauteurs. Peu après avoir dépassé la cathédrale, je constate avec bonheur que le chemin que je suivais jusque-là se transforme en piste cyclable fermée aux voitures, alors que nous sommes toujours en milieu urbain. Sont forts ces italiens.

Assez vite, je comprends que je marche en fait sur une ancienne voie de chemin de fer désaffectée. Celle-ci s’élève rapidement et tandis que je quitte sans m’en apercevoir la ville en passant dans des vieux tunnels et viaducs, je me rends compte que j’ai perdu toutes chances d’acheter le casse-croûte du midi. Un rapide coup d’œil à la carte me confirme qu’il n’y a pas de magasin dans les petits villages suivants. Tant pis, ce sera resto ce midi, j’en ai repéré au moins 2 sur ma route (je suis effondré)…

Pour l’heure, la pause déjeuner étant encore loin, il me faut rejoindre le village de Sant’Antonio in Bosco, porte d’entrée vers le Val Rosandra. Cette réserve naturelle dans un vallon escarpé n’est pas le chemin le plus direct pour rejoindre mon étape prévue du soir: qu’importe, je suis aussi là pour voir des belles choses. Alors que je prévoyais de m’y ravitailler en eau, je manque le chemin qui rejoint le village. Ou en fait, il ne semble pas exister. Pour m’éviter un détour, je décide de descendre directement par un sentier raide menant au val Rosandra par le refuge Premuda.

Après avoir traversé un petit ruisseau qui confère a l’ensemble un air déjà montagnard, j’y arrive a 10h30, et rejoint à cet endroit le tracé officiel de la Via Alpina, dont c’est d’ailleurs la fin théorique de la première étape. C’est dire si je carbure. 12 kilomètres avalés en 2h30, c’est plutôt pas mal et ça mérite bien une petite bière. Et en plus ils ont de la pression: la chance sourit aux audacieux.

Le ravitaillement en malt et eau effectué j’entame la remontée du val Rosandra. Le chemin en forêt suit d’abord les vestiges d’un ancien aqueduc romain, puis en s’élevant la vue se dégage et révèle des décors majestueux, jusqu’à une cascade assez spectaculaire qui attire pas mal de promeneurs à la journee. En fin de vallée, le sentier rejoint le village isolé de Bottazzo, tellement isolé que sa route d’accès n’est pas asphaltée. J’y remarque de nombreuses maisons en ruine. On est au bord de l’ancienne frontière entre l’Italie et la Yougoslavie, certainement témoin d’une histoire mouvementée, ceci explique peut être cela. Frontière que je rejoins ensuite, après une montée très raide et offrant quelques vues sur la mer déjà lointaine, et où je retrouve..l’ancienne voie de chemin de fer !

Longeant la voie ferrée (qui elle-même longe la frontière entre Italie et Slovénie), j’arrive à 12h30 au petit village de Draga, où j’avais repéré sur mon application de cartographie un resto. Il n’y a pas foule (je suis d’ailleurs le seul client), mais les lieux sont ouverts. Je m’installe en terrasse et commande des fusilli au pesto, puis m’offre un café avant de repartir presto (et non pas pesto) car la route est encore longue et j’ai l’impression d’avoir baissé de rythme. Le chemin quitte finalement la voie ferrée pour rejoindre des pistes forestières, je me perds un instant, demande mon chemin à 2 types qui bossent sur une baraque (qui n’en savent rien alors que le prochain village dont je m’enquiers est à moins de 2km, mais au moins le gars chose surprenante parlait bien anglais!), et suit finalement sauvé par mon application et mon GPS.

S’ensuit une courte montée vers un village au nom amusant de Pesek (amusant pour les enfants car pejsek veut dire « petit chien » en tchèque), depuis lequel s’ouvre enfin une vue panoramique vers la mer. L’inconvénient c’est que du coup, il n’y a plus beaucoup d’ombre, et ça commence a taper fort. Je ne traîne donc pas sur les lieux et reprend la montée sur une piste large, qui m’amène cette fois-ci pour de bon jusqu’à la frontière. Je passe alors en Slovénie -que je ne quitterai plus pour les 9 prochains jours- au niveau du refuge/auberge répondant au curieux nom de « Kokoš », et situé sur une crête à 674 mètres d’altitude. Bonne montée quand même depuis la mer.

A force de prendre des photos, je remarque que mon téléphone se décharge un peu plus vite que prévu et est déjà descendu a 53 %. La batterie sera un stress permanent (sans doute exageré car j’ai une batterie de secours), mais l’aventure sans GPS pour trouver le chemin (souvent mal indiqué), et sans Internet (pour la météo en montagne, ou organiser les étapes et ravitaillements) n’est pas si romantique qu’elle en a l’air…Je prends un coca au refuge et demande a l’ado qui tient le comptoir de mettre mon téléphone en charge, ce qu’elle accepte gentiment. Malheureusement, après 25mn a siroter patiemment mon coca, je repars avec 53 % de batterie…et oui ça déconne parfois à se mettre en mode charge, et évidemment, il a choisi ce moment-la pour me faire le coup.

A 15h je me remets en route, avec la satisfaction que le plus gros est fait, car il ne me reste qu’une petite dizaine de kilomètres, majoritairement en descente. Je m’éloigne à nouveau du tracé de la Via Alpina qui à cet endroit fait un détour -à mon sens superflu- pour passer par les célèbres haras de Lipica (moi et les chevaux…). Je coupe alors tout droit vers le village de Lokev où je retrouverai le chemin officiel. J’y arrive après une petite heure de descente d’un chemin beaucoup mieux balisé et tracé qu’il n’apparaît sur la carte, et me trouve enfin dans une bourgade assez importante pour y trouver un magasin et faire mes courses.

Repartant le sac rempli de pain, fromage, charcuterie, semoule, thon, ketchup et mayo, snickers, bières et cacahuètes et autres conneries (bref le nécessaire de survie pour manger froid plusieurs jours car je n’ai pas de réchaud), je marche environ 300 mètres avant de m’apercevoir que j’ai oublié mes bâtons de marche à l’entrée du magasin. Demi-tour, et 1er acte d’une pièce qui se jouera plusieurs fois…

Je commence en à être en plus bien claqué – le corps n’étant pas encore habitué – et dans cette partie finale le chemin n’est pas palpitant. Grande piste en gravier dans un no man’s land, traversée d’une voie de chemin de fer (active celle-ci), puis de l’autoroute avec les furieux qui descendent a 150 vers la mer, avant d’arriver sur des petites routes de campagne asphaltées qui me bousillent les pieds sur les derniers kilomètres. Bref je fais cette ultime partie en ronchonnant.

J’arrive enfin à Matavun sur les coups de 17 heures. Mes repérages m’avaient indiqué l’auberge Škrla comme un endroit où il est possible de poser sa tente, et en effet la jolie bâtisse offre également un jardin tout équipé avec barbecue, chaises longues, douches et sanitaires. Un vrai mini-camping. Je monte ma tente, me douche, récupère une bière pression Laško a l’accueil, fait ma popote, et après le dîner m’installe dans le transat avec mon bouquin. Nickel.

Je ne serai dérangé que par des touristes ayant réservé une chambre et cherchant l’hôte de ces lieux. En effet le réceptionniste du jour (Fabio, un jeune italien probablement en job d’été), et du genre pas stressé, s’était caché dans le fond du jardin, posé dans le hamac avec son ukulélé.

Vers 21h30 je me mets dans la tente, et je ne mets pas longtemps à m’endormir. Rien de tel qu’une journée de marche pour se recaler dans un rythme naturel…