Etape 11 – Lacs de Fusine -> Rifugio Luigi Pellarini – km 241

Vendredi 16 août 2024

Distance24 km
D+ / D-1577m / 1012m
Heure de départ et d’arrivée07h00 – 17h15
MétéoBeau et caniculaire, ~32 °C

La nuit n’a pas été excellente. Outre le sol accidenté qui n’offre pas un grand confort, un ballet incessant de visiteurs nous rappelle que l’obscurité appartient à la vie sauvage. Trahis par les craquements des branches sous leur pas, nous sommes reveillés par plusieurs animaux qui s’approchent de notre campement. Chevreuils, renards, loups solitaires ? Pas envie de sortir pour aller voir… Et lorsqu’il semble que les bruits cessent enfin, ce sont des grattements qui commencent à l’extérieur de la toile de tente, probablement l’œuvre d’une souris ou autre rongeur.

Il me tarde alors de voir les premières lueurs du jour pour lever le camp, mais finalement de manière inattendue je tombe dans un sommeil profond passé 4h du matin. A 6h30 nous nous levons et constatons que le sac de nourriture que nous avons suspendu hier à un arbre s’y trouve toujours : au moins nous n’avons pas reçu la visite du roi des plantigrades…

A 7h00 nous nous mettons en route, déjà un peu tard à mon goût car la journée s’annonce très chaude, mais qui vivra verra. Regagnant le chemin qui nous avons quitté hier, nous croisons le charmant hameau d’Aclete, puis rapidement nous rejoignons la piste cyclable menant à Tarvisio.

D’ici, nous avons le choix entre deux itinéraires, l’un plus court en remontant la vallée de Rioffredo, l’autre un poil plus long mais peut-être plus facile (tout du moins le croit-on à ce moment), qui passe par Tarvisio puis le Monte Lussari. Motivés par la perspective d’un peu de tourisme et d’un bon café dans le centre de Tarvisio, nous optons pour le second, et continuons sur la piste cyclable.

Comme un clin d’œil à ma première étape de l’année passée, celle-ci suit également le tracé d’une ancienne voie ferrée reliant Jesenice en Slovénie à Tarvisio, et retirée du service il y a bien longtemps car construite à l’origine sous l’empire austro-hongrois ! Aujourd’hui elle fait le bonheur des cyclotouristes, et se poursuit même jusqu’à Udine, traversant de spectaculaires paysages, gorges et anciens tunnels ferroviaires, tout en offrant une faible déclivité. Un écosystème entier de logements, guinguettes et restaurants s’est mis en place le long de la voie, redynamisant des villages isolés, et nous nous disons alors que nous reviendrions bien un jour profiter de ce petit paradis…

Pour l’heure, c’est la marche qui est au programme, et après 2 petits heures nous atteignons la gare de Tarvisio (retour au point de départ). De là, par divers chemins et rues nous parcourons les quelques kilomètres nous séparant du centre, et découvrons une ville plutôt agitée et peu accueillante pour les piétons. Comme souvent en Italie, les trottoirs brillent par leur absence…Après de rapides courses nous arrivons dans le vieux centre et sa place dominée par l’église. Nous y retrouvons enfin un peu de quiétude, et nous posons à la terrasse d’un café pour l’attendu cappuccino/croissant.

A 9h30 nous repartons, remotivés pour attaquer le gros morceau de la journée  : une montée sèche de presque 1000m de dénivelé pour atteindre le sanctuaire du Monte Lussari, une communauté religieuse perchée a presque 1800m d’altitude et haut-lieu touristique de la région. Le sentier sillonne d’abord à travers le bas des pistes de ski, avant d’atteindre au bout de 3 kilomètres une vallée où nous rejoignons plusieurs itinéraires balisées, tour à tour nommés « chemin céleste » ou encore « sentier des pèlerins » . Alors que nous commençons notre élévation vers les cieux, nous comprenons que le chemin de croix n’usurpe pas son appellation, car ça grimpe très raide et sans aucun lacet, rendant l’ascension plutôt pénible pour le simple mortel. En outre, malgré un léger voile fournissant par intermittence une ombre salvatrice, la canicule se fait de plus en plus pesante. N’ayant pas trouvé la fontaine espérée au parking de départ pour refaire les niveaux, nos réserves d’eau commencent à s’épuiser. Cela nous contraint à nous rationner, ce qui n’aide pas à la performance sportive. Heureusement à mi-montée nous finissons enfin par traverser enfin un petit ruisseau, dont le mince filet d’eau suffira à filtrer de quoi se désaltérer et remplir toutes nos bouteilles.

D’ici, nous gagnons d’un dernier coup de rein un plateau peuplé en son centre la «Malga Lussari » (1573m). « Malga » est le mot en italien qui désigne ces fermes d’alpage, où l’on trouve encore parfois une ferme traditionnelle qui façonne ses propres fromages, et pour celles qui se sont modernisées, dortoirs, gîtes ou restaurants d’altitude. Celle-ci est encore rustique, et son intérieur nous renvoie 70 ans en arrière (voire même dans la scène finale des « Bronzés font du ski » – décidément, on va croire que je suis obsédé par ce film…). La marmite y mijote même sur le feu de cheminée malgré la chaleur caniculaire du mois d’août, le groupe électrogène n’alimentant probablement pas cette partie du bâtiment. Ils offrent néanmoins quelques boissons, snakcs et tables pour s’asseoir dehors. Pendant un instant nous serons tentés d’y boire un coup jusqu’à ce ma patience s’épuise dans la file d’attente (a-t-on idée de commander 4 cafés par cette chaleur, entièrement fait à la main bien sûr dans un endroit aussi dénué de tout confort moderne ? En voilà qui n’ont pas trop soif, ils n’ont pas du monter à pied...). Bref, pas envie d’attendre 15mn pour acheter une cannette : nous décidons de repartir. Une montée courte mais raide sur le domaine skiable nous emmène au col (1710m) surplombant le plateau, et de là, en une dizaine de minutes supplémentaires nous arrivons finalement au sanctuaire du Monte Lussari.

Dans ce haut-lieu touristique de la région de Tarvisio, ça grouille comme au Mont Saint-Michel : une petite rue principale remplie de restaurants et boutiques de souvenirs, et bondée. Une petite église. Pas de moines semble-t-il, ils ont du fuir depuis longtemps…Joli site, mais pas franchement aussi beau que sur les photos que l’on peut voir sur internet, certainement prises depuis un drone. Par contre, la vue sur la chaîne de montagnes derrière (Montasio, Nabois) tient elle toutes ses promesses. En faisant le tour nous remarquons la gare de télécabines un peu en contrebas, responsable de l’affluence. Fatigués par cette ascension nous finissons tout de même par faire une vraie pause, en prenant notre picnic sur un muret enserrant la place de l’église. En repartant, nous remarquons que la foule s’est beaucoup amoindrie dans la rue, l’heure du pointe du déjeuner étant passée. En voyant une table libre à la terrasse d’un restaurant panoramique, j’ai l’inspiration de nous arrêter pour nous y offrir un dessert : riche idée car le tiramisu et la vue y sont spectaculaires.

Lorsque nous reprenons notre chemin un peu après 14h00, j’imagine que nous arriverons sans forcer à destination 2 heures plus tard, puisqu’il ne nous reste que 6.5km et environ 400m de dénivelé à franchir. Funeste erreur. Si la première partie suit la route du Monte Lussari (que la pente et la qualité du revêtement ne donnent pas envie de monter en vélo, forçant mon admiration pour les coureurs du Giro qui l’ont empruntée il y a 2 ans, dopés ou non), la suite se fait sur un sentier peu emprunté.

Après avoir passé un petit col, l’itinéraire (sentier 217) longe un flanc de montagne assez escarpé, et la trace très étroite ne facilite pas la descente. Nous sommes contraints de redoubler de prudence et devons « mettre les mains » à plusieurs reprises pour ne pas glisser sur les petits cailloux. Le paysage au fond de vallée est spectaculaire mais difficile d’en profiter tant ce passage est nerveusement éprouvant. Quelques grossièretés lâchées plus tard (à défaut de faire avancer plus vite, ça soulage), nous parvenons tant bien que mal au col Prasnig (1491m). Nous aurons mis 1 heure pour parcourir ces 2 derniers kilomètres de descente…

L’heure avançant (il est déjà presque 16h00) nous sommes un peu inquiet d’arriver tard au refuge. D’autant que la suite, même s’il reste moins de 3 kilomètres, se fait encore à flanc de montagne, sur un chemin toujours indiqué en pointillés sur la carte, et qui doit traverser par son pied une grande paroi verticale. Heureusement, mis à part un passage un peu raide à descendre encore une fois sur les fesses, celui-ci sera sommes toutes beaucoup plus facile.

La descente accomplie, une ultime grimpette de 200m nous emmène enfin au refuge Luigi Pellarini (1499m) que nous atteignons autour de 17h00. Le reste de la journée sera alors consacrée au repos, à l’observation de la paroi impressionnante qui nous domine, à la réhydratation (même si le refuge souffre de sécheresse et doit rationner l’eau !), et à la dégustation de saveurs italiennes, dans une belle ambiance montagnarde. Une grappa, choisie parmi les 12 variantes possibles suivant les recommandations d’une jeune italienne travaillant au refuge (et parlant couramment
français !), puis une ultime sortie pour observer le décor sous la lumiére mourrante, finissent alors de nous envoyer au lit peu aux alentours de 21h00.