Etape 12 – Rifugio Luigi Pellarini -> Rifugio Nordio-Deffar – km 261

Samedi 17 août 2024

Distance20 km
D+ / D-711m / 804m
Heure de départ et d’arrivée08h00-16h00
MétéoBeau et canicule, 32 °C

Au réveil du 3ème jour l’enthousiasme est un peu moins vivace. La canicule et les efforts consentis la veille -en particulier sur le passage en balcon- ont fait leur œuvre.
Alors que mon itinéraire initial devait nous emmener demain a Pontebba, en passant la nuit au refuge non gardé “Ricovero Jeluz” via une étape de 25km et 1600m de D+, nous réalisons que cette traversée sera plus délicate que prévu. Non seulement la météo est encore annoncée au très chaud, mais en plus il ne semble pas y avoir de point d’eau en haut d’une ascension finale de près de 1000m, que nous serions contraints d’accomplir sous le soleil ardent de l’après-midi. Il y a également une incertitude liée a l’état exact de cet abri, et aux possible orages prévus ce soir.
Bref nous avons besoin de recharger les batteries et de nous offrir aujourd’hui un parcours un peu plus roulant. J’envisage d’emblée une variante par Dogna où j’avais repéré un dortoir bon marché, mais malheureusement celui-ci est déjà complet. A observer la géographie des lieux il semble peu évident que ce petit village encaissé offrira un endroit pour planter une tente…En outre, le rejoindre suppose de marcher une grande partie du trajet sur une route (certes isolée car la route du Val Dogna est de type “bout du monde” et en cul-de-sac, mais marcher sur l’asphalte n’est jamais gratifiant).
Soucieux d’éviter un plan foireux, nous abandonnons finalement l’idée de visiter les villages abandonnés du Val Dogna et Pontebba (d’où je comptais initialement retrouver la trace de la Via Alpina à Nassfeld), et cédons aux sirènes du confort et à la perspective d’un logement pour le soir. Nous optons alors pour un itinéraire plus aisé, qui file plein nord pour rejoindre la Via Alpina au niveau du col de Lomsattel (1459 m), celui-ci présentant l’avantage de se trouver à proximité immédiate de deux refuges construits de part et d’autre de la frontière italo-autrichienne. De là nous serons positionnés idéalement pour le lendemain: pour ma part à une journée de marche de Nassfeld, et pour Zuzana, à moins de 3h de la gare de Voralberg en Autriche, car elle doit regagner la Tchéquie.

La logistique réglée, nous quittons le refuge à 8h pour redescendre vers le Val Saisera par une variante plus raide (du moins dans sa première partie), que celle que nous avons empruntée hier. En conséquence la progression se fait d’abord prudemment, et la descente nous paraît plus longue que les 600m annoncés. Mais elle nous permet d’abord d’observer une spectaculaire cascade, avant de traverser de jolis passages en forêt, et se conclue par la découverte d’un insolite abri militaire datant de la 1ere guerre, creusé à même la roche d’un imposant promontoire. La variante justifie son intérêt, et vers 10h nous rejoignons le fond de vallée . La chaleur étant déjà présente, nous nous offrons une première pause rafraîchissement à l’auberge de Locanda Jôf di Montasio, profitant de l’exclusivité de sa terrasse et son charmant jardin en cette heure précoce.


Toute bonne chose ayant une fin il faut bien repartir, et cette fois-ci pour une section qui n’est guère palpitante. Nous voici en transit , marchant sur une route dans la vallée, l’objectif étant de faire la jonction avec l’itinéraire « normal » : en l’occurrence la crête frontalière des Alpes Carniques située a une dizaine de kilomètres à vol d’oiseau. Cette partie se fera heureusement rapidement. A 11h30 nous traversons le village de Valbruna, c’est mignon, mais on voit bien qu’il n’y a pas beaucoup de logements sociaux par ici. Nous ne sommes pas dans la région pauvre de l’Italie, c’est plutôt le contraire. La chaleur devient étouffante si bien que nous ne résistons pas à une petite glace que nous achetons dans l’unique magasin à la sortie du village. Je ne succombe pas toutefois aux attirants fromages et charcuteries locaux, ayant déjà assez de vivres et ayant prévu de me ravitailler lundi matin à Nassfeld.

Le Magnum englouti pour guise de repas du midi (la chaleur et l’effort limitent la faim), il est temps d’achever cette section de vallée, nous suivons d’abord un chemin dans un champ, puis 2 kilomètres plus loin passons sous l’autoroute (répétant ainsi une fois encore mon schéma de l’année dernière !) pour enfin atteindre le pied de notre ascension du jour, au village d’Ugovizza. Ici nous recroisons la piste cyclable que nous avons empruntée hier, et découvrons que l’ancienne gare du village a été reconvertie en halte rafraîchissements et restauration pour cyclistes. Il ne nous en faut pas plus pour nous convaincre de garer nos vélos invisibles, afin de goûter à une bière locale. Comme dit plus haut, aujourd’hui nous avons décidé de profiter… En voyant passer devant nous de spectaculaires assiettes de pâtes carbonara, on regrettera presque de ne pas s’être encore laissés plus aller, mais concluons que nous aurons notre revanche plus tard. Après tout, il reste du chemin, 4h de marche jusqu’à l’objectif à en croire les panneaux à la sortie du village, 2h30 ou 3h max selon mon jugement, puisqu’il n’y a que 700m de denivelé (et cette fois-ci, mon estimation était correcte).

Le sentier s’élève alors par un agréable chemin forestier, parfois en balcon, mais sans jamais être trop vertigineux (c’est là l’avantage des arbres qui masquent le ravin). Alors que nous atteignons peu à peu une altitude permettant d’obtenir des points de vue, nous entendons derrière nous gronder le tonnerre. Par une trouée entre les arbres nous observons que des orages sont en train de se former au-dessus du massif que nous avons quitté ce matin, ce qui conforte d’autant plus notre choix de variante.

Vers 14h, nous rejoignons une piste carrossable, et à compter de ce moment nous passerons devant de multiples fermes et chalets d’altitude. Depuis ce matin je tente de joindre le refuge Nordio où nous comptions dormir ce soir, mais ça ne répond pas. Pire encore depuis Ugovizza il semble qu’il n’y a plus de signal. Passant devant le refuge Gortani (1130m) nous envisageons un instant de leur demander s’ils ont un téléphone fixe, mais décidons de continuer : il ne reste plus qu’une grosse heure de marche et au pire nous avons toujours la tente. Avant d’accomplir cette dernière partie, nous nous accordons finalement une pause déjeuner (un succulent pâté en boite tchèque!), assis sur la devanture d’un chalet inutilisé.

A l’exception de la traversée d’une rivière dont nous devons désescalader les berges en empierrement artificiel, le chemin indiqué sur la carte n’existant pas (ou ayant disparu), le reste se fera sans aucune difficulté. Sur les coups de 16h nous atteignons finalement le refuge Nordio-Deffar : il y a peu de fréquentation en cette 2eme semaine d’août et nous n’avons aucun mal à y être logés. Le refuge a été refait à neuf récemment et par sa situation accessible offre toutes les commodités, nous profitons alors de la douche chaude avant de sortir boire une bière et faire sécher les vêtements sur la terrasse. Pour occuper la soirée, nous montons au col surplombant le refuge pour passer côté autrichien et découvrir l’alpage pittoresque de Dolinza Alm, avec ses vaches et ânes en liberté. Nous redescendons ensuite pour le dîner, ce jour marquant à jamais notre rencontre avec deux inoubliables spécialités italiennes : les Canerderli et le Frico. Plus tard, lorsque je croiserai au hasard de ma randonnée un italien arborant un t-shirt « make frico not war », je comprendrai alors le sens profond de son message. Repus, nous empruntons ensuite un jeu de dés pour quelques parties de Yams au grand air, puis nous écroulons au lit assez tôt, digestion se devant faire.