Etape 13 – Rifugio Nordio-Deffar -> Nassfeldpass – km 288

Dimanche 18 août 2024

Distance27 km
D+ / D-1128m / 1001m
Heure de départ et d’arrivée07h30 – 15h30
MétéoPluies intenses le matin, éclaircies l’après-midi, ~18 à 20 °C

Mise en route matinale car il faut s’assurer que Zuzana arrivera assez tôt à Vorderberg pour rejoindre ensuite Villach, car son train suivant vers Vienne est déjà réservé et y passera en début d’après-midi. Après le petit déjeuner plantureux du refuge, à 7h30 nous quittons les lieux, contournant les vaches couchées au milieu du chemin. Arrivant à nouveau au col de Lomsattel, je me rends compte au moment de prendre une photo que mes mains sont libres : j’ai oublié mes bâtons au refuge. Première fois cette année, demi-tour puis montée pour la 3eme fois des 60m de dénivelé séparant le refuge du col, cette fois-ci au pas de charge.

A Dolinza Alm les ânes d’hier ont cédé la place à des chevaux. Les lieux ont l’air assez calmes et il ne semble pas que le refuge/auberge situé de ce côté de la frontière soit ouvert : ça sent la fin de saison. C’est ici théoriquement que nos chemins doivent se séparer, mais ayant observé la possibilité d’une variante qui ne rallonge pas en distance et dénivelé, je décide de raccompagner Zuzana un bout pour retarder les inévitables adieux. Alors que pluie s’est mise à tomber dru, nous forçant à sortir les vestes imperméables, ceux-ci se produisent 3 kilomètres plus loin, quand la piste fait un coude pour amorcer la descente vers Vorderberg. Drôle de sentiment de me dire qu’à compter de ce moment, m’attendent une semaine de marche entièrement seul. Et qu’en réalité les choses sérieuses commencent seulement, alors qu’on est déjà sur les chemins depuis presque 3 jours… Devant la distance et les difficultés à venir je me dis alors que je vais déjà tenter d’arriver à l’étape du soir, et qu’ensuite on verra. « Match après match et au jour le jour » pour reprendre les stéréotypes de footballeurs en interview.

Mon itinéraire me conduit alors sur une piste carrossable, et après une bonne heure d’une montée régulière et facile j’arrive aux abords de l’alpage de Dellacher Alm. Entre-temps, la pluie s’est arrêtée pour laisser place à une belle éclaircie, j’enlève alors mon k-way tout en sachant que ça n’est que sans doute temporaire (et en effet toute la journée il faudra jouer au chat et à la souris avec les averses…). Pour l’heure je ne regrette pas ma variante car il aurait été dommage de manquer ce village que le tracé officiel contourne. Delacher Alm donne l’impression d’être entré dans un village de western, avec ses maisons en bois alignées qui suivent la rue principale, et ses nombreux chevaux en liberté. Il y a même là une « gasthaus » en guise de saloon. Je ne suis pas accueilli par le shérif, mais en ce dimanche matin il y a du monde dehors, de nombreux locaux se posant sur un banc devant leur maison pour profiter d’un rayon de soleil.

Boosté par ce cadre idyllique et le retour d’une météo plus clémente, je poursuis en direction d’Egger Alm. Je retrouve à la sortie du village le tracé de la Via Alpina, et suis maintenant la route asphaltée qui dessert les alpages. Certes les gens y vivent « à l’ancienne, » mais pas non plus au point d’y monter à cheval…Je croise donc plusieurs voitures avant d’atteindre le lac d’Egger-Alm-See, puis rencontre près de ses berges un de ses habitants que j’imagine être un triton, mais que je suis bien en peine, même aujourd’hui, d’identifier.

Alors que j’aperçois les premiers toits d’Egger Alm, le ciel se couvre à nouveau, et à en croire le radar météo sur mon téléphone du gros grain arrive. Les premières gouttent tombent puis s’intensifient à l’exact moment ou je pénètre dans le village. J’avise alors deux auberges et me demande si elles sont déjà ouvertes. Observant que malgré l’heure peu avancée (10h45), les hommes du villages sont attablés à la terrasse couverte de la première, je décide d’y entrer pour attendre la fin du passage pluvieux en goûtant moi aussi aux joies de la bière matinale. Bien au chaud à l’intérieur de la rustique « Gasthaus zum Rudi », je regarde les nouvelles de la famille et les photos d’une réunion des cousins partagées sur Whatsapp. L’averse dehors ne semble ne pas vouloir se calmer, et voyant depuis ma place la marmite chauffer dans l’arrière-boutique, je suis tenté un instant de rester pour la soupe. Après 45mn je commence toutefois à m’ennuyer et à me dire que je ne vais pas non plus passer la journée ici. Même si les simulations radar ne sont pas claires, je prends le pari que la pluie finira bien par passer.

Je n’ai même pas le temps de sortir du village que je suis déjà dégoulinant. A regret je zappe la visite du petit magasin qui vend les fromages produits sur place, par peur de salir leur intérieur.

Rapidement la pluie se calme un peu, et en suivant une agréable piste forestière je grimpe vers le col de Stallensattel (1498m), que j’atteins vers 12h30.

Ici, alors que les averses reprennent de plus belle, je temporise un peu abrité sous un arbre, car d’après le topo la suite présenterait des passages un peu délicats que je préférerais éviter de traverser sous conditions glissantes. J’hésite sur la marche à suivre mais conclus finalement d’avancer jusque là-bas, pour voir ce qu’il en est réellement. Après quelques minutes la pluie diminue à nouveau et les nuages commencent enfin à se lever, laissant entrevoir pour la première fois les sommets qui me font face : le paysage devient spectaculaire et montagnard.

J’atteins finalement la partie rocheuse en pointillés sur la carte, et suis soulagé d’observer qu’elle ne présente aucun danger ni difficulté. Le chemin est large, à un ou deux endroits il y a des câbles pour s’aider mais qui ne sont même pas réellement nécessaires. Le seul endroit qui aurait pu demander un peu de grimpette ayant été contourné par le bas par un nouveau chemin.

A 13h30 et après un nouveau passage en forêt je franchis le col suivant (Sella della Spalla -1432 m). Les pistes de ski s’approchant, j’y retrouve un environnement plus artificialisé et une piste carrossable depuis laquelle je peux observer sur ma droite le Gartnerkofel (2154m).

Assez vite je retrouve un sentier qui à ma surprise grimpe assez fort, et 250m de denivelé plus tard je passe devant l’auberge de Garnitzenalm, puis un lac artificiel dont les pierres sous l’eau sont peintes en bleu, pour des raisons que j’imagine esthétiques. On n’arrête pas le progrès.

Un ultime effort et une montée raide en lacets m’emmènent au dernier col et point culminant de la journée, à 1857m. S’ouvre alors une vue plongeante sur la station de Nassfeld, dominée par les cimes des Alpes Carniques qui deviennent ici beaucoup plus massives et imposantes : les vraies montagnes commencent.

J’avais envisagé d’abord de dormir ce soir au dortoir de « l’Alpenhof Plattner », ainsi que recommandé par les précédents marcheurs de la Via Alpina, mais en me renseignant plus tôt dans la journée j’ai appris qu’il était actuellement fermé car ravagé l’année passée par un incendie accidentel. En effet lorsque je l’aperçois au loin dans la descente, il ne semble plus rester grand-chose du toit. Pas d’autre choix que de continuer jusqu’à Nassfeld et chercher sur place. Je prends un peu peur lorsque le premier gros hôtel s’avère également fermé, et que le second côté italien me présente un devis délirant pour une nuit. Pas trop envie de dormir dehors vu l’instabilité de la météo… Heureusement je trouve de la place juste en face au« Ristorante Albergo Wulfenia da Livio », à 65 euros la nuit dans une station de ski je ne fais pas la fine bouche, d’autant que la chambre est toute neuve et luxueuse. Je finis la journée un peu tôt car il n’est que 15h30, mais je l’estime suffisamment remplie au vu de la distance parcourue et prenant en compte qu’hormis à Egger Alm, je n’ai pris aucune pause…C’est donc l’occasion d’une petite sieste méritée. Je suis toutefois tiré de ma torpeur une heure plus tard par les trombes d’eau qui s’abattent dehors, et qui ne me font pas du tout regretter d’être au chaud à l’abri.

Je prépare alors l’itinéraire des prochains jours, avec la question de l’argent liquide car je ne m’attends pas à pouvoir payer par carte dans les refuges. En fin d’après-midi je ressors pour explorer le mini-centre ville (si on peut l’appeler ainsi), situé à 500m de là du côté autrichien, car j’avais lu qu’il s’y trouverait un distributeur. Malheureusement mes informations semblent obsolètes et il n’y a rien à part une insolite épicerie self-service, autre signe de l’abandon du lieu par les petits commerces. A en croire Google Maps, le premier distributeur se trouverait à 10km de là dans la vallée. Il va falloir faire avec ce qu’il me reste, mais ça devrait passer…Pour assurer le coup, j’adapte alors mes plans pour le lendemain, remarquant qu’un refuge sur le chemin offre la réservation et le paiement par Booking. Cela suppose une étape un peu plus courte que prévu, mais c’est une nuit en moins à payer en liquide. Quelques minutes après, voilà ma réservation faite : demain soir et pour 28 euros déjà réglés, je logerai au dortoir de Straniger Alm.

Pour fêter ça, je me récompense par une soupe de goulash et une pizza dans une sorte de resto/bar/fast-food, côté italien bien entendu puisqu’on y mange mieux ! Les portions sont très généreuses mais n’ayant pour ainsi dire rien avalé depuis le petit-déjeuner, je parviens quand même à tout faire rentrer…avant de me traîner jusqu’à mon lit, pour conclure cette quatrième journée.