Etape 14 – Nassfeldpass -> Straniger Alm – km 305

Lundi 19 août 2024

Distance17.5 km
D+ / D-854m / 881m
Heure de départ et d’arrivée08h20 – 15h30
MétéoPluie le matin, couvert en milieu de journee, pluie le soir ~ 15 °C

Levé avant 7h avec l’espoir de partir avant que le temps ne se gâte à nouveau (il a plu une grande partie de la nuit), je suis rapidement freiné dans mon élan en constatant que la réception est fermée et que le petit déjeuner n’est pas servi avant 8h00. Pas matinaux les italiens. Vu que c’est compris dans le prix de la chambre, il serait un peu idiot de ne pas en profiter. Et de toutes façons je ne peux pas partir sans payer.

Pour tuer le temps je retourne au village à l’épicerie self-service, pour acheter un morceau de fromage et du pain pour les prochains jours, même si ça ne me fait gagner aucun temps puisque je repasserai encore devant tout à l’heure. Enfin, après avoir assez trépigné dans ma chambre puis dans le hall, je peux avaler mon petit déjeuner en 7 minutes chrono.
Tellement rapidement qu’en prenant au buffet ce que je croyais être un œuf dur, je me rends compte en voulant l’éplucher qu’il est cru. Splatsch. J’ai pas l’air d’un idiot maintenant avec mon œuf liquide dans mon assiette…Comme je m’en apercevrai plus tard, il est de coutume par ici de préparer son œuf soi-même à la cuisson désirée, il y a même l’appareil dédié à cela que je n’avais pas remarqué.
Je laisse mon assiette gluante derrière moi, puis règle ma chambre et lève les voiles vers 8h20.

Dans un premier temps j’emprunte une voie de service sous les remontées mécaniques, c’est rarement le genre de chemin très esthétique mais au moins celui-ci fait des lacets ce qui rend l’ascension pas si pénible, malgré le crachin qui s’est mis a tomber. Et puis, après suffisamment monté pour ne plus voir les immeubles de la station en bas, les paysages deviennent vraiment spectaculaires.

A ma grande surprise je croise également des marmottes, qui semblent plus courageuses ici que dans les Alpes du Sud, où elles ne sortent d’habitude qu’à la condition d’un rayon de soleil. Bref cette partie jusqu’au sommet du Madritschen (~1900m), gare d’arrivée d’un télésiège, est plus agréable que je ne l’aurais cru. En haut je profite des infrastructures touristiques et m’offre un cappuccino dans un chaleureux café/restaurant que j’imagine bondé de skieurs en hiver, mais qui est évidemment complètement vide en ce lundi maussade de fin août.

Un peu avant 10h je repars sous un ciel qui s’est légèrement dégagé, j’y vois ma chance d’atteindre le col de Rudnigsattel sans devoir affronter les éléments. Le chemin redescend d’abord de 200m, puis quitte définitivement les voies carrossables pour rejoindre un sentier ; celui ci traverse d’abord une prairie avant de se faire plus pierreux en gagnant de l’altitude. Ca y est, on quitte la civilisation.

A l’approche du col le ciel se fait plus lourd et le vent se lève, indéniablement il va pleuvoir et le tout est de savoir quand. Je capte encore internet à cet endroit mais le radar météo manque de granularité et ne m’est pas d’un immense secours, tout juste confirme-t-il que les précipitations approchent. Je décide de hâter le pas et franchis finalement le Rudnigsattel (1945m), à 11h du matin. D’ici je descends rapidement au Bivacco Ernesto Lomasti, un mini-refuge non gardé situé 50 mètres sous le col du côté italien, et où je compte m’abriter le temps que l’averse passe. D’en haut je vois des tentes qui me font penser que je ne serai pas seul, et en effet à l’intérieur je retrouve un groupe de 5 ou 6 italiens entassés dans les 6m2, en train de se réchauffer ce qui ressemble à une sorte de cassoulet. Ils m’expliquent faire de la spéléologie, les montagnes autour contenant apparemment de nombreuses grottes. Enfin quand je dis « ils », en réalité un seul gars fait la conversation, les autres ne parlant visiblement pas anglais (ou prétendent ne pas le parler), et se murent dans un silence qui devient un peu gênant. Bref passé les 5 premières minutes je commence à avoir l’impression de déranger un peu, surtout que l’endroit est exigu. Comme la pluie n’est pas encore arrivée, je les remercie et décide alors de repartir, en me disant que c’est tout de même un peu moyen de s’installer en mode camping dans un refuge normalement destiné à une utilisation bivouac ou de secours…Cela semble être toutefois assez courant en Italie comme je le remarquerai encore plus loin.


Alors que je suis remonté au col et que je m’engage sur le chemin en crête, le mauvais temps malgré son retard semble finalement arriver. Les rafales se font assez violentes et les premières gouttes tombent tandis que les sommets environnants disparaissent peu à peu sous les nuages. Pas très encourageant pour continuer sur la prochaine section qui mène sous la paroi du Trogkofel (2279m). Plutôt que de retourner au refuge, je remarque en contrebas une gare d’arrivée de télécabines, fermée en cette saison. Je coupe alors avec un peu de hors piste puis passe sous le ruban qui délimite la zone interdite d’accès au public, pour m’abriter près de la salle technique.

J’y attendrai une petite demi-heure, et constate au passage via un thermomètre accrochée au mur que la température est descendue sous les 9 °C. Je sors mon polaire mais je n’ai pas franchement chaud : en partant au mois d’août je n’ai pas emporté 36 couches…La différence avec les 32 °C d’avant-hier est brutale. Alors que l’averse se calme enfin un peu je décide de repartir pour me réchauffer par le mouvement.

Sur la crête le vent est toujours très fort et dans un premier temps j’hésite un peu, restant sous le couvert d’un rocher pour quelques minutes. Heureusement il va rapidement diminuer en intensité et me donne une fenêtre pour poursuivre. Je suis également rassuré en voyant au loin des randonneurs arriver en sens inverse

Suivant le sentier en balcon descendant vers le col Sella di Val Dolce (1781m) je suis alors gâté par un paysage exceptionnel, aux contrastes encore améliorés par les nuages qui remontent des vallées ou s’accrochent aux sommets.

Je m’arrête quasiment tous les 100 mètres pour prendre des photos, dont la plupart pourraient prétendre à être utilisées comme fonds d’écran sur mon ordinateur. Dans la dernière longueur sous la paroi, je traverse d’immenses champs de pierre qui pourraient presque donner l’impression de se trouver dans quelque crique bretonne.

Je savoure ces décors sans conteste parmi les plus beaux de mon itinéraire 2024 et progresse lentement, avant d’atteindre le col vers 13h20. Celui-ci est complètement noyé sous les nuages aspirés depuis la vallée de Rattendorf:

Je ressors rapidement du brouillard alors que le sentier se poursuit vers le col de Cordin (1776m). Après quelques minutes je fais l’incongrue rencontre…d’une pancarte Via Alpina, la première et seule de mon parcours de cette année.

Toujours aussi agréable et presque plat, le chemin continue d’offrir des panoramas magnifiques, d’abord sur une chaîne de montagnes dominée par une pyramide que je pense aujourd’hui identifier comme étant le Monte Sernio (2187m), puis sur les falaises du Cima di Lanza (1893m)

Quelques photos plus loin, je passe le Kordinsattel vers 14h30 puis repassant la frontière amorce la descente vers Straniger Alm. Je laisse à ma gauche l‘alpage italien de la Casera Cordin Grande, et à ma droite une autre ferme autrichienne dont le nom m’échappe aujourd’hui.

A 15h30 j’atteins ma destination, il y a pas mal de visiteurs car une piste carrossable y mène. C’est une triste habitude à mon sens en Autriche, le tourisme montagnard se faisant beaucoup en voiture ou en moto (et en comparaison, on y voit pas tellement de randonneurs sur les chemins), les gens montant dans les alpages juste pour un repas… A l’intérieur c’est même la cohue et il n’y a pas un mètre carré libre pour s’asseoir. Je me vois contraint d’attendre 20mn dehors sous le crachin, mes pauvres hôtes étant trop débordés pour m’enregistrer. Heureusement sitôt leur repas terminé la troupe repart, vidant presque instantanément le restaurant et le parking, et je peux enfin m’installer. Le refuge est rustique, on accède par un escalier extérieur au dortoir qui n’est qu’un simple grenier non isolé ni chauffé (mieux vaut y dormir en été). Particularité amusante la plupart de l’équipe qui gère les lieux est tchèque, je le comprends lorsque je les entends converser dans la cuisine et ne manque pas alors de leur apprendre que j’habite Brno. Ils semblent cependant être installés ici depuis un bail, à en juger par leur allemand parfait et sans accent. Après avoir posé mes affaires je m’offre un repas dans le réfectoire fraîchement débarrassé, et alors qu’on me sert ma « schnitzel » un couple de jeunes arrive, ils ne sont pas plus âgés que 25 ans, et je les entends parler français. J’engage la conversation, ils m’apprennent être partis de Jesenice en Slovénie il y a quelques jours, et comme moi ils sont partis aujourd’hui de Nassfeld (apparemment en dormant dans la même auberge mais je ne les y ai pas croisés). Ils sont partis par contre beaucoup plus tard ce matin, vers 10-11h. La plupart du temps ils semblent bivouaquer mais lorsque je leur apprends le prix modéré du dortoir, ils se laissent tenter par le confort d’un lit et d’un toit. Au final nous serons seulement tous les 3 ce soir dans le dortoir, cocorico.

Ayant fini tôt par l’impératif de dormir ici pour économiser du liquide, je zone un peu la reste de la journée. C’est l’occasion d’avancer pas mal sur le bouquin que j’ai emmené. Mais voulant garder quelques chapitres pour la suite du voyage, j’occupe également mon temps en allant observer la vie de la ferme attenante au refuge. Un panneau d’information m’apprend que toute cette région d’« alms » autrichiennes a bénéficié d’un programme européen visant à sauvegarder cette culture et ces élevages traditionnels. Ce qui n’a pas pour autant transformé l’endroit en projet « factice »de néo-ruraux : les éleveurs, un vieil homme barbu et une jeune femme aux traits rudes, ont tout ce qu’il y a de plus local et authentique. Alors qu’un brouillard épais tombe, je les regarde guider leurs bêtes et assiste à distance à la traite des chèvres et des vaches, espérant secrètement qu’on m’y invite la voir de plus près. Mais je n’ai pas du m’approcher assez ostensiblement pour cela, et je me rappelle aussi que moi je suis en vacances, tandis qu’eux ils bossent. La scène se termine par le transport du lait par une sorte de treuil, afin d’y être stocké dans une pièce au rez de chaussé du bâtiment principal où je dors. Difficile de se sentir davantage logé à la ferme ! Je pars me coucher en rêvant du petit déjeuner du lendemain, histoire de goûter à tout ça…