Etape 17 – Hochweisssteinhaus -> Rifugio Forcella Zovo – km 374

Jeudi 22 août 2024

Distance18.5 km
D+ / D-745m / 1013m
Heure de départ et d’arrivée07h15 – 15h00
MétéoBruine et brouillard le matin, nuageux l’après-midi avec quelques éclaircies, ~22°C

Au réveil c’est la cohue dans le dortoir étroit. Plutôt que de jouer des coudes je préfère attendre perché sur ma couchette que les autres occupants finissent de ranger. Après 15 minutes le sol est enfin libéré des tas de sacs et je peux descendre à mon tour pour plier bagage. Résultat je suis le dernier arrivé au petit déjeuner, mais j’en repartirai malgré tout le premier : à 7h00 je suis dehors et m’apprête au depart. Je récupère mes chaussures dans la cabane de rangement dédiée, et me rends compte qu’ il a plu cette nuit et que j’ai oublié de rentrer mes chaussettes que j’avais mises à sécher sur la rambarde. Ca commence bien, les pieds seront mouillés dès le départ.

Pour cette étape 22 de la Via Alpina rouge, je dois en principe atteindre la Porzehütte, soit par le sentier des crêtes, apparemment exposé et avec plusieurs passages équipés, soit par une variante côté italien suivant grosso-modo le même itinéraire mais plus bas à flanc de montagne. N’ayant pas envie de jouer au héros, j’ai depuis longtemps tranché pour la seconde option. Pour cela il me faudra néanmoins franchir le col de Hochalpljoch (2281 m), que je vois tout là-haut noyé sous les nuages. En cette heure matinale et avec un taux d’humidité certainement très élevé, il faut être motivé pour se farcir les 400 mètres de dénivelé qui m’attendent…enfin, c’est pas comme si j’avais le choix. Des vaches me tiennent compagnie dans la première partie, mais en grimpant le terrain devient plus hostile et en atteignant le plafond nuageux la visibilité baisse. Tant mieux car à l’approche du col le sentier passe en balcon au-dessus d’un assez haut ravin. Ne rien voir à part le chemin devant moi me convient tout à fait.

Par contre c’est un peu plus dérangeant lorsque j’arrive en haut en plein brouillard et suis privé de tout panorama. Le matin et dans la montée, j’ai pas mal réfléchi sur la suite du parcours, plusieurs facteurs me faisant douter :

– La météo est toujours aussi pénible, et je suis autant fatigué mentalement que physiquement. A quoi bon rester sur les hauteurs si on ne voit rien ?

– On est déjà jeudi, j’aimerai bien être dans un train samedi pour arriver à la maison samedi soir ou au plus tard dimanche midi, vu que je bosse lundi. Si je continue sur l’itinéraire normal ça risque d’être un peu juste niveau temps.

– Hier au refuge c’était trop fréquenté à mon goût. En restant sur la crête autrichienne ça risque d’être pareil à la prochaine étape, car en approchant des Dolomites je rentre sur une zone assez touristique. Après plusieurs jours en pleine nature j’ai un peu envie d’aller divaguer en Italie, et peut-être découvrir un ou deux jolis villages et me faire une bonne bouffe.

J’en conclus alors que j’ai bien mérite un jour de semi-repos, en descendant dans la vallée pour remonter dans l’après midi sur les pentes du Monte Zovo, sur lesquelles j’ai repéré deux refuges que j’espère être un peu plus perdus et tranquilles. Ce faisant je me rapproche également de Sesto, que je pourrais rejoindre d’un coup de stop si jamais le temps me venait à manquer.

Bien que spectaculaire, la descente particulièrement désagréable depuis le Hochalpljoch me conforte dans ma décision. Pendant près de 45mn je vais évoluer sur une sente très étroite, envahie par la végétation, et éboulée à plusieurs endroits, obligeant à une vigilance de tout instant.

Il est presque 10h lorsque je rejoins enfin une piste qui me permet de marcher sans regarder mes pieds. Ici, je quitte la variante 403a (« chemin des malga ») pour descendre par la 170 vers le Val Visende. Je repasse pour de bon sous le plafond nuageux et à partir de ce moment le ciel va progressivement se dégager, je serai même gâté en milieu de journée par quelques éclaircies. En atteignant le plancher des vaches je suis surpris du nombre de touristes dans cette vallée loin de tout et en cul-de-sac. Ca semble être un endroit prisé pour les balades à la journée. Je croise un groupe qui me demande où se trouve une sorte de monument/mémorial de la guerre, malheureusement je n’en sais fichtre rien.

A 11h30 j’atteins le hameau de Costa d’Antola et son petit restaurant, je songe m’y arrêter pour manger mais apparemment ça n’ouvre qu’à midi. Pour patienter je m’installe sur la terrasse de la partie bar, mais après 15mn pendant lesquelles je me fais royalement snober alors que les clients à coté se font servir, je perds patience et préfère alors voir ailleurs. Il est vrai que je ne cadre pas trop avec le décor, il y a autour principalement des personnes âgées, endimanchées alors qu’on est jeudi, à tel point que je sors mon téléphone pour regarder si aujourd’hui ne serait pas un jour férié spécifique à la région, ou bien la date d’une quelconque fête locale. Visiblement il n’en rien, c’est peut-être seulement le rappel que l’Italie est un pays à la population vieillissante…

Je poursuis ma route et prends un raccourci qui me fait découvrir le hameau de Costa Zucco et ses maisons en bois à l’architecture atypique. J’avance alors à travers prés et fermes dans une large vallée qu’on pourrait presque qualifier de haut plateau car on se trouve quand même à 1300m d’altitude.

Un peu plus loin au hameau de Pra della Fratta il c’est encore la foule à la terrasse d’un « Ristorante Agrituristico », mais il est 13h et j’ai trop faim. Et ça ressemble au genre d’endroit où on mange bien. Je m’assois à une petite table qui vient de se libérer pour enfin assouvir mon fantasme d’un bon plat de pâtes (ça sera finalement des raviolis), mais on me fait alors comprendre que dehors tout seul sans réservation ça ne sera pas possible, et on m’expédie à l’intérieur. Vu comment je pue des pieds, et mon état de crasse en général, je ne sais pas si c’est une bonne idée…Vengeance est faite, même si je me sens un peu honteux vis-à-vis des autres clients en mode sortie du dimanche (enfin, du jeudi).

C’était très bon malgré tout, je ressors repu et je me suis fait plaisir : l’objectif de la journée « repos » est accompli.

Je n’aurai même pas l’occasion de beaucoup marcher pour digérer car mon arrivée du jour est proche, pas plus de 4km environ et 300m de dénivelé. Après une montée tranquille sur une route non goudronnée, ce qui malheureusement ne suffit pas à dissuader les trop nombreux amoureux de la voiture de la parcourir, mais qui propose toutefois de jolis points de vue sur les sommets environnants, j’atteins le Rifugio Forcella Zovo (1606m) sur les coups de 15h.

Je m’enquiers immédiatement de leurs disponibilités, et même s’il y a encore pas mal de visiteurs sur les lieux, ils ne semblent pas avoir prévu d’y rester ce soir, puisque le tenancier me propose une chambre pour un prix très modique (40 euros si je me souviens bien). Lorsqu’il m’y fait entrer je découvre qu’il s’agit d’une chambre quintuple, et il me dit qu’il me la laisse pour moi tout seul, à la condition juste que je ne défasse pas les autres lits (mince, moi qui voulait sauter partout…)

Bingo. Voilà ce que j’entendais par « retourner en Italie dans un coin perdu ».

Dans ce petit paradis au prix d’une chambre dans un hôtel F1 je profite ensuite de la douche, fais une rapide lessive manuelle -avec l’espoir qu’enfin mes chaussettes vont sécher car les températures sont en train de remonter- puis redescend pour boire une bière sur la terrasse en admirant la vue magnifique sur les Dolomites:

C’est à cet instant que j’apprends par une pancarte la curieuse anecdote concernant ce refuge : il a été visité par le pape Jean-Paul II il y a 30 ans. Il n’usurpe pas en tout cas l’appellation de refuge familial, étant aujourd’hui tenu par un couple et leurs enfants. Le bonhomme qui assure la réception est très sympa, même si la communication n’est pas aisé car il ne parle qu’un anglais limité. On peut voir la famille poser au complet sur leur site : https://www.rifugioforcellazovo.it/ , lequel m’apprend par ailleurs qu’ils ont aussi reçu la visite très récente de Francesco Moser, l’ancien champion cycliste. Vraiment un drôle d’endroit, qui ne me fait pas regretter mon détour…