Vendredi 23 août 2024
| Distance | 33 km |
| D+ / D- | 1732m / 1994m |
| Heure de départ et d’arrivée | 07h40 – 17h50 |
| Météo | Beau et ensoleille, ~26°C |
Le plein d’énergie et le moral regonflé après la journée d’hier, je repars avec la ferme intention de profiter des montagnes jusqu’au bout. Pour ma dernière étape je dessine un parcours qui me fait repasser sous la crête principale et franchir 3 cols au-dessus de 2000 mètres, avant de redescendre vers Sesto où je compte achever ma Via Alpina 2024.
Je m’élance sous un franc soleil à 7h40 sur le sentier 169 en direction du nord et de la Forcella Longerin (2045 m). Le chien du refuge a décidé de m’accompagner, et je tente en vain de le renvoyer chez lui. Je ne m’en inquiète pas outre mesure, me disant qu’il doit régulièrement se servir des promeneurs pour faire sa petite balade, et qu’il finira bien par faire demi-tour tout seul. Après 10mn, alors que je le prends en photo pour un souvenir, j’entends derrière une voix et un sifflement : c’est son propriétaire qui est venu chercher le fuyard. En effet ça ne devait pas être sa première fois…


Le chemin passe d’abord au-dessus d’une jolie cascade, puis il me faut enjamber une barrière et marcher le long d’un ruisseau pour pénétrer dans le Val di Vissada. Le paysage devient « dolomitesque », avec des pics rocheux dominant de vastes pâturages, et des vaches qui prennent la pause pour la photo. En me retournant le panorama n’est pas en reste et la vue porte très loin, probablement sur le groupe du Terza Grande (2586m). Alors que je m’approche du fond de vallée je remarque sur l’autre flanc une cabane joliment rénovée, que ma carte indique comme étant le bivouac Casera Vissada. Si j’avais su…ça donne envie d’y passer la nuit en ermitage. Même si je dois avouer que je me suis bien habitué au confort des refuges et leur bonne popote.




A 9h00 j’atteins le premier col, d’ici il me faut continuer vers le Passo Palombino (2023m) pour gagner le Val Digon. J’ai une incertitude sur la voie à prendre, le chemin 165 est le plus direct mais semble passer dans des endroits pas très accueillants, à vrai dire de loin il est difficile de dire par où exactement il traverse la barre rocheuse.


Je décide de m’approcher pour en avoir le cœur net, mais après 10 minutes et presque 100m d’ascension via un raidillon qui m’emmène sur un sentier de plus en plus exposé, je préfère faire demi-tour. Non seulement je marche seul, mais en plus je n’ai croisé personne depuis ce matin. Une glissade, une cheville qui tourne dans cet endroit isolé et j’aurai l’air malin…le jeu n’en vaut pas la chandelle. Je redescends alors au col Longerin pour prendre le sentier 169, c’est plus long et davantage de dénivelé mais plus prudent. Ca ne sera pas pour autant une partie de plaisir, le début étant très pentu, érodé et recouvert de petites pierres, pour ne pas dire franchement casse-gueule. Quant à la suite, elle me réserve une difficile et longue traversée en pleine végétation, sur une sente à peine visible.




Ca gratte les jambes mais j’essaie de me convaincre que mon choix était malgré tout le bon, en me disant qu’au moins si je tombe, ça ne sera pas plus loin que sur le bord du chemin.
Avec ces péripéties j’ai un peu traîné et il est déjà 10h quand je suis en bas pour retrouver le sentier qui monte au Passo Palombino, et 10h50 lorsque je le franchis. Au moins cette fois-ci la montée a été agréable, sur une trace large et dégagée car visiblement régulièrement foulée par les vaches.

Je ne tarde pas en haut car il reste du chemin, et descends au pas de charge jusqu’à la ferme-auberge (« malga ») Melin. J’y prends une pause rapide, avant de refaire le plein d’eau à la fontaine. Je ne suis pas tenté d’y rester plus que ça, car il y a déjà pas mal de monde et l’affluence grossit à vue d’oeil. Malheureusement une fois encore les lieux sont accessibles en voiture et les abords de la ferme se transforment en un gigantesque parking a l’approche de l’heure du repas, ce qui gâche quelque peu l’ambiance. Pourtant il faut rouler sur une longue piste jusqu’à 1700 mètres d’altitude pour arriver jusqu’ici, mais malgré ça les candidats ne manquent pas. Voilà donc à quoi servent tous ces SUVs qui en ville ne servent à rien.
En en ayant fini avec ma diatribe contre les voitures, je demande avant de partir au propriétaire des lieux s’ils ne vendraient pas par hasard de leur fromage, car je bave rien qu’à sentir l’odeur qui émane de leur cuisine. Il me répond qu’ils vendent seulement sur place les meules entières (qui doivent mesurer quelques chose comme 40cm de diamètre), et que pour la vente au détail il faut aller au village de Comelico, à un magasin dont il me donne l’adresse. Dommage, ça n’est pas du tout sur ma route. Il faudra acheter les souvenirs en ville à l’arrivée et ça ne sera évidemment pas aussi bon…

Je quitte la malga et entame la prochaine section qui doit m’amener au col de Silvella (2329m), via une longue montée de plus 8 kilomètres et 800 mètres de dénivelé.
Comme je n’ai pas y envie d’y passer la journée, j’opte pour un itinéraire via la vallée, empruntant la route -qui se transforme ensuite en piste – en pensant qu’il me permettra de marcher plus vite même s’il est un peu plus long kilométriquement . Ce faisant j’évite ainsi le sentier 161 serpentant à flanc de montagne. Je le regretterai peut-être plus tard, mais à cet instant ce sont mon état de fatigue, et le traumatisme récent des sentes pourries dans les herbes hautes, qui me donnent les ordres.
En effet la route du Val Digon me permet de progresser rapidement, et vers 13h j’atteins la Malga Silvella à l’altitude 1800m puis pars à l’assaut des lacets vers le col. Je songe alors que s’il était asphalté, ça serait un col intéressant pour le tour d ‘Italie, avec les 8 derniers kilomètres à 10 % de moyenne. Et tel un coureur cycliste, je dois avoir un début de fringale car je ressens une sorte de « coup de mou », n’ayant rien avalé depuis le petit déjeuner il y a 6 heures de cela. Même si je n’ai pas faim je me force à manger un petit en-cas avant de continuer. Puis me mets de la musique dans les oreilles afin de motiver la marche. En s‘élevant le paysage devient grandiose avec ses grandes pentes herbeuses, et fait un peu penser aux Alpes du Sud. Lorsque je me retourne je mesure le chemin parcouru depuis ce matin, avec le Passo Palombino facilement identifiable sous le Crode dei Longerin (2576m).


A 14h45 j’atteins le col, et y croise la route de fous cyclistes qui ont grimpé par l’autre versant, pourtant bien moins roulant. J’avais initialement prévu de dormir au refuge Rinfreddo, qui promet de splendides vues sur les Dolomites. Mais celui-ci ne se trouve plus qu’à une heure de là : je suis largement en avance sur mon objectif et je juge qu’il est bien trop tôt pour s’arrêter. Je fais donc le choix de parcourir la douzaine de kilomètres qui me séparent encore de Moso, un village à quelques encablures de Sesto, et ainsi conclure ma Via Alpina 2024 ce soir. Ainsi si tout va bien je pourrai prendre un bus le matin pour la gare de San Candido et être la maison dès demain soir.


Je file d’un pas léger, ragaillardi à l’idée de ne plus avoir aucune montée devant moi. Quelques lacets de descente plus tard j’entre dans une large vallée dont l’entrée est gardée par un troupeau de vaches à la manière d’un péage autoroutier. Je contourne le barrage bovin, et marche sur une longue piste dont la monotonie est contrebalancée par les superbes vues sur le massif des Tre Cime.


Un peu plus loin au détour d’un virage je découvre la Malga Nemes. Le panorama depuis l’auberge est fantastique et après tant d’efforts je mérite bien une bière. Voire même ne serait-il pas possible de dormir ici ? Il semble en effet que ca a été un refuge à une époque. Même s’ils font maintenant exclusivement de la restauration, je pose la question à tout hasard en allant commander. Après une discussion avec la tenancière qui porte sur mon voyage et ma nationalité (sic), elle se tourne vers son mari qui est assis derrière à une table avec les enfants, et lui demande en italien quelque chose qui devait ressembler à « il est français, il cherche un logement », ce à quoi l’homme répond « oui il peut rester dormir » (je me demande quelle aurait été la réponse si mon passeport avait été différent…)
Je ressors ensuite sur la terrasse laissant mon installation à plus tard, mais alors que je regarde la carte je vois que le prix de la bière est assez cher : qu’en sera-t-il de la chambre alors qu’on ne m’a donné pour l’instant aucun prix ? Plus embêtant encore en sortant mon téléphone je remarque qu’il n’y a pas de signal, or j’ai besoin de chercher mes horaires de bus et de train pour demain. D’ailleurs aurais-je envie de marcher les 6 kilomètres restants jusqu’à ville demain matin, alors que ça pourrait être fait dès ce soir ? Tout bien réfléchi je préfère continuer, et m’excuse d’avoir changé d’avis tout en les remerciant pour leur hospitalité.



Il me faudra encore traverser une forêt et 1h15 de marche pour enfin rallier les faubourgs de Moso. Je prends le selfie qui immortalise mon arrivée, et me met à la recherche d’un logement. Cela se révèle plus ardu que prévu, bien davantage que dans les montagnes. Je me trouve dans un endroit aisé. Ca n’est pas Courchevel, mais c’est dans le genre, juste au pied des Dolomites et dans le très riche sud Tyrol. Résidences privées, pensions de luxe au check-in automatisé…l’hôtel principal du centre est fermé et il n’y a rien pour le visiteur de passage sans réservation. Je tourne pendant 30mn en ville et frappe à plusieurs portes sans succès. Sale comme je suis en débarquant en ces lieux raffinés, je me sens comme Jacquouille la Fripouille dans le château des Montmirail. Plus loin je remarque enfin une sorte de bar/fast food qui proposerait des chambres low cost, mais malheureusement tout est complet.



Finalement, alors que j’ai presque perdu espoir, me faisant à l’idée de devoir quitter la ville et planter la tente dans la forêt, je trouve au bout de la rue principale un hôtel « normal », qui ô miracle a encore des chambres simples libres. Pas donné évidemment mais après 8 jours de marche je crois que c’est mérité. C’est sans vergogne que le soir venu je m’empiffre en prenant absolument tous les plats inclus dans la demi-pension, tout en profitant de la vue sur les Tre Cime, entrée vers la suite de mon aventure. Mais qui seront le sujet d’une autre histoire….
[Fin de la partie 2]




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