Etape 19 – Moso -> Bonner Hütte – km 427

Samedi 28 juin 2025

Distance20 km
D+ / D-1397m / 425m
Heure de départ et d’arrivée09h20 – 17h15
MétéoCaniculaire, + 30°C

Balcon sur les Dolomites

Une année est passée et pour la reprise en 2025 j’opte à nouveau pour un départ fin juin/début Juillet, préférant les tapis de fleurs sous pics enneigés, à l’aridité d’août. Réflexion purement spéculative bien entendu, et déjà contre-démontrée par mes épisodes pluvieux de l’année dernière…

Quant au chemin à suivre, mes hésitations de l’hiver ont finalement laissé place à un jugement tranché : je contournerai les Dolomites. Principalement en raison de la surfréquentation touristique, rendant impossible une itinérance non organisée (la plupart des refuges y sont réservés une année à l’avance), et pouvant donner le sentiment de se trouver plutôt devant la Tour Eiffel qu’en haute montagne. Mais aussi parce que l’alternative “nord” et ses paysages me séduisent pas mal, à la lecture des récits de mes congénères l’ayant déjà empruntée.

Les semaines précédant mon départ, j’observe avec inquiétude l’évolution de la couverture neigeuse, cet itinéraire devant m’emmener sur des altitudes plus élevées. Mais si la neige a été assez abondante cet hiver, je constate avec satisfaction que la fonte en juin est rapide : parfois le réchauffement climatique ça arrange…

Cette dernière incertitude levée, nous regagnons le kilomètre 0 le samedi 28 juin, d’un trajet en train sans encombre ponctué d’une courte nuit à Villach. Un dernier bus et nous voilà à 9h15 du matin à Moso, a l’endroit exact où j’ai stoppé en 2024. C’est à nouveau un soulagement car il est maintenant certain que nous serons dans les temps pour l’étape du soir, que j’aurai été peiné de devoir raccourcir par moyen motorisé. En effet comme l’année dernière j’ai réservé le premier refuge en avance (c’est préférable le samedi), et comme l’année dernière Zuzana m’accompagne en partie, pour 4 jours cette fois.

Le temps d’immortaliser les débuts par une photo et nous voilà en route, sous une agréable couverture nuageuse. Pour se mettre en jambes nous suivons un chemin forestier qui nous emmène à Versciaco (~6km, ~200m D+). La progression est sans difficulté et nous y croisons nos premières vaches et jolies fermes. Arrivés au village peu avant 11h nous prenons une pause sous l’église et nous ravitaillons en eau, la chaleur commençant à poindre alors que le gros de la journée se profile seulement. En effet d’ici, d’une montée sèche de 700 mètres, nous devons gagner le col Bodeneck (~1800m d’altitude), avec l’espoir d’une bière et d’une soupe peu après celui-ci, si toutefois les auberges de montagne repérées sur la carte sont ouvertes.

Versciaco étant assez encaissé, les débuts sont plutôt raides mais suffisamment ombragés, et surtout offrent des vues de plus en plus spectaculaires sur les Dolomites à mesure que l’on prend de la hauteur. Aussi, nous y découvrons de magnifiques fermes traditionnelles, avec leur surprenants “pont-levis” comme j’aime à les appeler (l’étage de la grange étant souvent reliée à la route par une passerelle, permettant à l’époque l’entrée d’une charrette -ou aujourd’hui d’un tracteur. Plus simple que de monter le foin à la main par une échelle!).

Lentement mais surement nous progressons, d’un rythme pas fou car non seulement il faut remettre la machine en marche, mais en plus j’ai un nouveau sac à dos, ce qui fait que je passe un peu mon temps à l’ajuster et le triturer pour trouver le bon réglage…Malgré cela nous passons le col vers 13h30 et peu avant 14h débarquons à la Silvesteralm pour la très attendue collation. Il y a foule car la route amène pas loin, mais nous finissons tout de même par trouver une petite place pour enfin déguster une succulente Weissbier et une Speckknödelsuppe. Il va sans dire que l’italien n’est guère utile ici, la région est à 80% germanophone et la langue de Goethe a gagné le combat démographique. Cela dit, personne ne vous regardera de travers si vous leur parlez italien et tous le comprennent aussi. Ça n’est pas aussi conflictuel -en tout cas aujourd’hui- que la Flandre/Wallonie par exemple (même si l’histoire du Tyrol italien n’est pas très simple…)

Alors que nous terminons notre soupe, un groupe de vieux musiciens en habit tyroliens traditionnels se présente et commence à décharger son matériel. Il semble qu’un concert en extérieur sera donné à 16 heures. Il est assez tentant de rester un peu à cet endroit confortable pour observer tout ça, mais nous n’en avons malheureusement pas le temps. Il y a encore du boulot, avec 500m de D+ pour atteindre la destination du jour, le refuge Bonner. Nous remontons alors une vallée idyllique et verdoyante jusqu’à la malga suivante (Steinberghütte), puis quittons la voie principale pour s’engager sur le sentier 5 qui s’élève doucement a flanc de montagne. Alors que dans la première moitié nous profitons du couvert des arbres, passé les 2000 mètres d’altitude nous quittons l’étage forestier et sommes maintenant exposés en plein soleil sur les pentes herbeuses. La chaleur est d’ailleurs assez incroyable pour l’altitude, et 1000m plus bas dans la vallée la température approche les 30 degrés…La compensation pour ces souffrances vient comme de coutume du paysage, fantastique à cet endroit, et qui offre probablement une des plus belles vues d’ensemble sur le groupe des Dolomites de Tre Cime et de Braies. Nous ne serons pas passés cette fois au pied de ses parois gigantesques, mais l’alternative vaut à elle seule le déplacement. Le sentiment de privilège est renforcé par la confidentialité des lieux, car à rebours des Dolomites, on ne peut pas dire qu’il y a foule sur ce sentier (nous n’avons d’ailleurs croisé personne avant l’arrivée au refuge).

Après plusieurs séances photos, utilisant divers angles, zooms et sujets (dès qu’il y a des vaches, c’est tout de suite photogénique !) le chemin à l’approche du refuge se fait un peu plus aérien et en balcon, sans qu’il soit particulièrement dangereux ou exposé. Malgré la fatigue, j’apprécie ce passage, Zuzana elle souffre un peu plus à cause de la chaleur.

Enfin vers 17h, ce qui était un point à l’horizon semblant ne jamais vouloir se rapprocher se fait soudainement plus grand, et par un dernier effort nous atteignons le refuge Bonner. Passé un petit imbroglio par rapport a ma réservation, duquel nous sommes extirpés une fois de plus par l’ado de la famille (elle seule parle anglais, son père -Alfred- parle italien et sa mère allemand !), nous prenons possession de nos couchettes dans un curieux dortoir aménagé sous les combles, et accessible par un escalier rocambolesque qu’on croirait tout droit sorti de l’esprit tortueux de Dali. Descente nocturne aux toilettes déconseillée…

Nous profitons ensuite de la (grandiose) terrasse et de la bière maison astucieusement refroidie, puis d’un repas qui me fait aimer toujours plus le Tyrol (ah les canederli et raviolis maisons, farcis aux épinards, fromage frais et autres délices…), tout en prenant plein les mirettes avec ce décor qui est sans conteste l’un des plus beaux panoramas qu’il m’ait été donner d’observer. Une journée de faite, et mission accomplie…