Samedi 1er Juillet 2023
| Distance | 35km |
| D+ / D- | 1059m / 590m |
| Heure de départ et d’arrivée | 7h15 – 18h00 |
| Météo | Couvert en début de journée, fortes précipitations locales en fin d’après-midi ~21 °C |

Réveil des braves a 6h30 pour partir à la fraîche, ce qui ne sera pas vraiment nécessaire puisque le temps est devenu maussade, avec même quelques gouttes de pluie tombant tandis que je range ma tente. Le temps de manger une banane et je me mets en route à 7h15, un peu impatient de traverser le site des grottes de Škocjan que je sais spectaculaire. L’ayant déjà visité en 2014, je ne m’y arrêterai pas. Mais s’il y avait une seule chose à visiter en Slovénie (et il y en a beaucoup), je le mettrai peut-être tout en haut de ma liste de recommandations. L’immensité des lieux donne l’impression de se trouver dans les mines de la Moria, en plein Seigneur des Anneaux. On s’attendrait presque à y croiser une armée de gobelins. Le classement UNESCO du site n’est pas usurpé .
Le sentier me fait passer au dessus du complexe karstique, par divers escaliers et passerelles, et je profite des vues extérieures totalement libérées du flot de touristes.


Continuant sur un sentier forestier un peu moins grandiose, je choisis après 2km de quitter une nouvelle fois le tracé de la Via Alpina. En effet celui-ci suit croise un peu plus loin un aérodrome, et des commentaires de randonneurs qui y sont passés récemment semblent indiquer que le passage a été clôturé, forçant à un hasardeux contournement hors piste. Il ne faut pas déranger l’aviation de plaisance. Je prends donc le chemin alternatif menant vers Dolnje Ležeče, qui est de toute aussi bonne qualité et ne me rajoute pas de distance.
Après ce village sans charme notable, le chemin traverse à nouveau la voie ferrée, et se transforme en voies forestières peu ragoûtantes (du type à voir passer des camions chargés de troncs d’arbre), me mettant pour la première fois mentalement à l’épreuve. En plus, ma chaussure gauche me fait super mal au pied, au cou de pied, et juste la gauche. Ca n’a aucun sens. D’autant que mes chaussures ne sont pas neuves, j’ai déjà pas mal randonné avec (bon, pas plus que 2 jours consécutifs il est vrai). Ca ressemble pas tant à un frottement qu’à une pression, ou une mauvaise position du pied, qui ferait travailler l’articulation pas comme il faut. Bref je m’arrête 2, 3 fois, relace les chaussures différemment pour diminuer l’éventuelle pression, tout en ressassant dans ma tête les 2 seuls scénarios me paraissant crédibles à ce moment:
1- je ne finirai pas ma rando et j’aurai bien l’air ridicule, avec mon mal de pied après 2 jours.
2- j’ai peut-être une chance si j’achète des chaussures basses à Idrija (prochaine « ville » que je prévois d’atteindre demain soir)
Finalement, alors que je me dis que l’option 2 craint vraiment (en m’obligeant à porter 1.2kg en plus jusqu’à l’arrivée -soit le poids de mes chaussures hautes), je me décide pour l’option radicale. Je me coupe le pied desserre à fond les lacets sur la chaussure gauche, en sautant même une boucle pour laisser le pied « libre » au maximum quitte à ce qu’il ne soit pas « tenu » . Et finalement, la solution fonctionne, la douleur s’estompe après quelques kilomètres. Je lacerai la chaussure à peu près ainsi pour les 8 jours suivants, et je ne me suis même pas tourné la cheville. Pourquoi acheter des chaussures de marche quand on peut randonner en tongs…
Ces aventures terminées j’arrive tant bien que mal à Senožeče, par des sentiers parfois à peine visibles, et pas toujours jolis, longeant en grande partie une ligne électrique (merci le GPS de m’avoir indiqué qu’il fallait passer à gauche du champ de vaches et non pas à droite, car j’aurais pu chercher longtemps).


Senožeče a indéniablement un petit intérêt car on remarque -par quelques vieilles maisons et fabriques, et la présence d’une ruine de château que je n’ai vu que sur la carte – que ce fut une ville d’importance un peu tombée en désuétude. Mais à 10h du matin, par temps gris, et sans un café ouvert qui me serait présenté sur un plateau, je n’a pas eu plus envie que ça d’y faire une pause culturelle. Je laisse alors derrière moi l’église et son cimetière pour m’engager dans un sentier forestier, serpentant au travers de petites collines. Cette partie me semble interminable, peut-être parce que les méandres du chemin ne me font pas beaucoup progresser géographiquement, ou peut-être plus simplement car c’est le même décor qui m’est servi depuis ce matin. Sur la carte je m’avise d’un petit raccourci, je m’avance assez confiant car il est marqué comme une piste carrossable, Hélas, après 200m le chemin s’arrête net et je dois faire demi-tour, Un peu plus tard, le sentier disparaît carrément, m’obligeant à le retrouver à la boussole (enfin, au smartphone).



Avec ce régime, je mets presque 2 heures à parcourir les 7 kilomètres qui séparent de Razdrto, le village suivant. Je calcule même que ça m’a pris plus de 4h30 au total pour 17 kilomètres depuis mon départ ce matin. Entre mes problèmes de chaussure gauche, et la pénibilité du terrain, la moyenne n’est pas fameuse…Tandis que je descends vers Razdrto, j’aperçois les cimes du massif de Nanos, dont le point culminant atteint 1313 mètres. La Via Alpina passe normalement par ses crêtes, mais j’ai déjà prévu d’esquiver cette partie. Encore et toujours, parce que mon temps est limité (9 jours pour faire la traversée alors que la Via Alpina Slovénie compte 14 étapes). Et surtout, parce que je préfère gratter du temps au début pour me garder un joker (en cas de pépin ou de mauvaise météo) pour la seconde partie, que j’attends plus bien intéressante, lorsque j’attaquerai les « vraies » montages et le parc national du Triglav. En voyant les cimes de Nanos se couvrir rapidement de nuages, je ne regrette pas mon choix qui devrait me faire gagner au moins 3 heures, et donc repousser d’autant mon étape du soir.
J’arrive finalement à Razdrto à midi sonnantes, tout juste pour le déjeuner. Après cette matinée que je qualifierais de bien emmerdante, je pense mériter mieux qu’un bout de fromage entre 2 tranches de pain de mie. Le réconfort se trouvera au restaurant et mini-camping Mirjam. Encore une fois, je suis le seul client, alors qu’on est samedi….il est vrai que la météo n’est pas top et que le coin n’est sans doute pas très touristique. Ainsi que décrit sur le site internet de Via Alpina, ils offrent bien des pizzas, certes probablement surgelées, mais de facture correcte. Je crois qu’ils n’ont d’ailleurs que ça sur la carte, l’endroit ayant probablement passé son jour de gloire, ressemble davantage aujourd’hui à un bar.


Le ventre plein, la motivation revient et je m’élance d’un pas plus léger. A la sortie du village ma petite route de campagne longe l’autoroute pour quelques centaines de mètres. En évoluant lentement vers le nord, à contresens des bolides fonçant vers les mers du sud, je me sens anachronique. Tant mieux, c’est que je suis venu chercher. Pas le temps de philosopher sur les affres de notre civilisation moderne que je me retrouve déjà dans un paysage plus agréable, fait de petites prairies dominées par le massif de Nanos. Ma route traverse plusieurs villages comportant de très jolies maisons, ressemblant davantage à la Slovénie que je connais, et après le village de Strane laisse place à un chemin traversant petits bois et champs. Il me faudra 1h30 au total pour arriver à Šmihel pod Nanosom, où je m’accorde une longue pause trempage de pieds près d’une fontaine située à la sortie du village.





Pause rapidement suivie d’une seconde, à peine une grosse demi-heure plus tard, lorsque je gagne Predjama. J’ai déjà visité ce célèbre site touristique slovène il y a quelques années et n’avais pas prévu d’y passer autrement qu’en coup de vent. Mais l’appel d’une terrasse panoramique face au château est le plus fort. Je bois un verre en savourant mon point de vue privilégié, captant derrière moi l’incongrue conversation de touristes retraités français en vacances dans le coin. J’envisage un instant d’engager la conversation, mais décide finalement de rester incognito.

En repartant je fais un rapide détour vers la boutique souvenir, mais ne trouve rien d’incroyable qui justifierait que je m’en encombre pendant une semaine.
Le chemin quitte maintenant la longue plaine jouxtant la principale autoroute slovène, pour enfin bifurquer plein nord vers les montagnes. Ca y est ça grimpe. Après une montée sèche d’une centaine de mètres de dénivelée, je découvre sur ma droite une prairie buccolique au gazon pas trop haut. Voilà certainement l’endroit qui est décrit sur le site de la Via Alpina par plusieurs randonneurs qui y ont posé leur tente. Mon intention à l’origine était d’y faire étape, mais il n’est que 16h30 : je trouve cela un peu tôt et je ne me sens pas encore cuit. Je poursuis donc, « pour voir” , “un peu plus haut ». Malheureusement, contrairement à ce que laisse suggérer la carte, je ne trouve pas d’autre endroit aussi accueillant pour bivouaquer. Il n’y a plus guère que de la forêt, souvent épaisse et jonchée de cailloux. Je songe un instant à faire demi-tour, mais l’idée me semble un peu ridicule donc je décide de continuer, sans trop vraiment savoir où je vais dormir ce soir.
En ce début de soirée les jambes sont euphoriques et je ne sens plus la fatigue. Le chemin (une piste carrossable), est propre, permettant de “dérouler”. De fil en aiguille, je me rapproche de Hrušica, hameau de quelques maisons posé sur une sorte de col forestier, et où se trouve une auberge nommée en slovène « La vieille poste » . Quelques infos contradictoires glanées sur internet semblent indiquer qu’il pourrait être possible de camper dans leur jardin. Je décide d’aller voir sur place pour avoir le cœur net. Ou au pire, je leur demanderai s’ils connaissent un pré où je peux me poser sans déranger le propriétaire des lieux. On est plus à 5 km près.


M’approchant du but je commence malgré tout à trouver le temps long, et trop souvent je regarde mon GPS pour mesurer combien de mètres il me reste à tirer. A 1600m du terme, les premières gouttes tombent, à 800m, elles s’intensifient, à 300m, c’est le déluge. Impossible de faire un pas de plus, ça tombe avec la même intensité qu’au milieu d’un gros orage. Sauf que ça dure bien 30 minutes…
J’arrive à jeter mon sac sur le talus au bord du chemin, pour le mettre un peu à l’abri sous un grand caillou en surplomb. Pas assez de place pour moi par contre. A défaut j’enfile mon k-way et me mets sous un arbre, mais sa protection finit par céder sous un tel volume. J’arrive à peu près à garder au sec le haut du corps et surtout mon sac banane contenant papiers/argent et téléphone, mais ça ruisselle en bas et mon short et mes chaussures sont aussi trempés que si j’avais sauté dans une piscine. Quand ça finit enfin par se calmer, je suis sacrément dégoûté d’avoir été pris au piège à 300m d’un abri certain, surtout après avoir crapahuté 35km. J’arrive à l’auberge encore dégoulinant, et même le sac a fini par prendre la flotte. Les clients (des locaux peinards à l’apéro, bien au sec sous leur terrasse couverte) me regardent passer avec curiosité. Entre le nombre d’affaires à sécher, et la baisse brusque de température, l’envie de faire du camping m’est passé. Je demande sans trop y croire (on est samedi) s’ils n’auraient pas par hasard une chambre libre et oui par miracle oui ils en ont une, pour 40€. Je ne demande pas mon reste et file dans ma chambre enfiler des vêtements secs. La patronne me met a disposition un étendoir un linge dans le couloir, et je passe un coup de sèche-cheveux sur mes chaussures, sachant bien que ça ne servira pas à grand chose car elles sont imbibées et ont doublé de poids.
Après ces émotions je descends au réfectoire pour m’offrir un plat chaud, car c’est ce genre d’endroit où il ne faut pas manquer la cuisine locale…Je commande un goulash avec des gnocchis, délicieux. Finalement, ca va pas si mal…
