Etape 20 – Bonner Hütte -> Obersee – km 451

Dimanche 29 juin 2025

Distance24 km
D+ / D-1345m / 1636m
Heure de départ et d’arrivée07h30 – 16h45
MétéoCaniculaire (35°C dans la vallée)

Coup de chaud

Aujourd’hui est annoncé le pic de la canicule, en même temps que se profile une des grosses étapes de cette année. L’objectif est de rejoindre ce soir le camping d’Antholz, et il y a pour cela deux variantes, qui toutes deux proposent un menu autour de 25km et 1500m de dénivelé. Après analyse approfondie je choisis une fois encore de m’éloigner de la voie officielle de la Via Alpina (qui franchit le Grüblscharte à 2394 m), pour suivre un parcours qui nous fait rejoindre la vallée d’Antholz par le Hallscharte (2549 m). En effet, en passant par le fond du Val di Cassies nous descendrons moins, et le dénivelé total sera moins important. Tout en offrant des vues attendues plus spectaculaires car nous évoluerons sur les crêtes dans la première partie. Cela nous coûtera en revanche quelques kilomètres supplémentaires, mais qui pourront être raccourcis en empruntant un bus au Staller Sattel (2052m), lequel nous déposera directement au camping si la fatigue devait se faire trop présente pour finir à pied.

L’itinéraire approuvé par les participants, l’idée est de se mettre en chemin assez tôt pour éviter la chaleur. Toutefois le petit déjeuner n’est servi qu’à partir de 7 heures, et comme nous l’avons déjà payé il serait bien idiot de le manquer : le grand départ est finalement donné à 7h30.

Pour réveiller les muscles il y a d’abord une petite montée de 150m au col de Pfanntörl (2505m), où nous passons la frontière autrichienne. De là, nous gagnons rapidement le col de Gruberlenke (2488 m) et profitons de vues magnifiques à presque 360 degrés. La suite se fait sur le versant autrichien, d’un large et agréable chemin en balcon jusqu’au petit lac de Purglers (vues sur les Dolomites), chemin qui se fait un peu plus escarpé et étroit ensuite -mais sans être jamais dangereux – jusqu’au Kalksteiner Jöchl (2326 m), que nous atteignons finalement à 9h45.

C’est ici la fin de la partie en crête et nous amorçons alors la descente pour rejoindre le fond de vallée, sur un sentier en balcon qui traverse de belles prairies fleuries et plusieurs enclos à vaches. Nous rejoignons un sentier thématique qui lie plusieurs alpages (« Almweg 2000m »), et qui d’après ma carte devrait proposer plusieurs haltes possibles pour une boisson fraîche. La première (« Kipfel-Alm ») ne semble malheureusement plus accueillir de public, aussi devons-nous marcher 30mn supplémentaires pour enfin déguster la très nécessaire bière à la Kaseralm. Comme il n’est que 11 heures, il nous semble par contre bien trop tôt pour commander quelque chose à manger, erreur funeste comme la suite le montrera…

En remplissant ma bouteille à la fontaine avant de repartir, je me fais agresser par une oie très curieuse qui vient cacarder dans mes oreilles (je découvre ce verbe), puis nous empruntons un petit sentier en lacets qui nous fait rapidement perdre en altitude. Nous rejoignons peu après une piste et croisons de nombreuses personnes qui montent en sens opposé, pour prendre le déjeuner à l’auberge que nous venons de quitter. Nous touchons le plancher à l’altitude 1500m, avant qu’enfin le chemin ne recommence à s’élever. Je dis enfin car le prochain col étant à plus de 2500m, on avait pas forcément envie de descendre davantage… Les lieux sont assez agités avec beaucoup de touristes à la journée, ce qui me fait un peu basculer en mode autiste. Concrètement cela signifie que je mets à foncer tout droit pour m’extirper au plus vite de la zone. Après avoir dépassé plusieurs groupes tel un pilote de Formule 1 parti du fond de grille suite à une pénalité, nous arrivons à la Messnerhütte, que j’avais cochée sur ma carte pour prendre la soupe du midi et nous ravitailler en eau. Seul problème, si l’endroit paraît fort agréable, c’est fermé. Je ne sais pas à quelle date commence la saison, mais on est quand même le 29 juin…Les alternatives de buffet nous faisant faire un détour, la décision est vite prise : le repas du midi sera sauté et on fera avec les snacks du sac à dos.


Tandis que nous nous dirigeons tout de même vers cette auberge close (car il se trouve que le chemin menant au Hallscharte passe devant), je suis semoncé par plusieurs personnes venant en sens inverse. « N’y allez pas c’est fermé ! », « Non ! Faites demi-tour ! », comme s’il était inconcevable de prendre cette direction pour une autre raison que d’aller au restaurant…j’ai presque l’impression de les entendre encore murmurer derrière moi : « le fou…il est perdu ! » « Dieu dieu ait son âme ». La scène par son absurde me fait penser à un film des Monty Python. A moins que ce soit le soleil qui me tape déjà sur la cabosse. Il est 12h30, et ça commence à chauffer sévère. D’ailleurs il ne me faut pas 15mn, alors que le sentier dans son amorce monte très raide, avant de connaître la panne. Plus aucune force dans les guibolles: je paie certainement mon coup de speed dans la vallée. Nous faisons une longue pause, j’essaie de me réhydrater et de manger du sucre, mais l’eau est une petite inquiétude, car nos réserves touchent à leur fin et il faut encore affronter 2h de montée sous la canicule. Je compte sur l’exactitude des informations de mon application de cartographie, qui indique un alpage un peu plus haut avec une fontaine. Et en effet à l’altitude 1850m nous trouvons non pas une mais deux fontaines, merci mapy.cz ! (et je ne suis pas sponsorisé pour le dire). Je fais le dromadaire en buvant au maximum, remplis toutes mes bouteilles, puis nous continuons sur une large piste carrossable bien moins raide, et avec même – grand luxe- quelques passages dans l’ombre. La situation critique est passée, et il n’y a plus maintenant qu’à dérouler.


Nous avons toujours espoir de trouver quelque ravitaillement, car qui serait assez fou pour refuser une Knödelsuppe ? Surtout que d’après Google maps, il y aurait là-haut la Weißbach Alm qui serait ouverte et ferait restauration. Espoir vite douché lorsque nous nous présentons devant les lieux : il s’agit en réalité d’une hutte privatisée depuis des années, et dont Google a par erreur associé l’adresse au site internet d’un établissement homonyme, quelque part ailleurs en Autriche…Tant pis, mais la bonne nouvelle c’est que nous ne sommes plus très loin, nous trouvant désormais à l’altitude 2150m. Cette fois-ci c’est au tour de Zuzana d’avoir un coup de chaud, et elle décide de prendre une pause à l’ombre du toit de la hutte, tandis que je l’abandonne lâchement : me sentant encore en convalescence je préfère prendre de l’avance en montant doucement, me disant qu’elle me rattrapera bien. Et c’est le cas, au moment où nous atteignons un banc panoramique à l’altitude 2320m. Nouvelle pause car la fatigue se fait ressentir, puis d’un dernier effort après une ultime montée qui me semble interminable, nous atteignons enfin le col à 15h30. En haut, la vue est comme attendue magnifique, nous faisons face à la chaîne du Riesferner, dominée par le Hochgall (3436m), et dont les parois verticales surplombent de presque 2000 mètres la vallée d’Antholz.

A cet instant il nous paraît évident que nous n’allons pas marcher les 12km et 1400m de dénivelé négative qui nous séparent encore du camping d’Antholz. Nous sommes cuits, au sens propre comme au figuré, et à supposer que nous viendrait l’idée folle de nous surpasser, il y aurait l’inquiétude d’arriver trop tard et de ne plus trouver de place au camping. Or nous tenons à le rejoindre – car après 2 jours sous le cagnard la perspective d’une douche n’est pas négociable : on est quand même en vacances ! Nous optons donc pour la solution alternative de rejoindre le lac d’Obersee afin d’attraper le dernier bus qui redescend dans la vallée à 17 heures. Il n’y a pas beaucoup de marge aussi nous ne traînons pas dans la dernière section de 3km et ~500m de D-, qui se fait dans un superbe décor rocheux, et nous atteignons le lac à 16h45, ce qui marque la fin de l’étape du jour. Avec pas loin de 8h de marche effectives nous n’avons de toutes manières pas chômé.

Le lac est magnifique mais ses abords sont malheureusement grouillants et transformés en grand parking, la route y menant directement depuis le lac d’Antholz situé 400 mètres plus bas. Près de ce dernier l’agitation est encore pire, et donne un peu le sentiment de se trouver en plein parc d’attraction. La circulation est chaotique et le bus se retrouve bloqué à plusieurs reprises sur la route trop étroite, tandis que nous croisons des camping-cars montant en sens inverse. Je suis surpris du manque de réglementation dans ce site naturel d’exception, mais me rappelle que nous sommes en Italie: en Autriche les choses se passeraient peut-être différemment…

Arrivant au camping avec peu d’inquiétude sur ce que nous allons y découvrir après ce que nous venons d’observer, nous sommes très vite rassurés : non seulement le camping est luxueux, avec réception, sanitaires et restaurant récemment rénovés, mais en plus il n’est pas du tout surpeuplé ni « élitiste ». Nous obtenons sans difficultés un joli emplacement, et comme un bonheur n’arrive jamais seul nous constatons que celui-ci passe assez tôt sous l’ombre de la paroi massive qui nous fait face à l’ouest, permettant d’envisager une nuit moins étouffante que prévue. Et pour couronner le tout, les lieux proposent également d’excellentes pizzas : que demander de plus ?

La réponse arrivera dans la soirée : tandis que l’obscurité gagne et que nous nous préparons à aller dormir, nous observons des feux s’allumer un peu partout, d’abord dans les hameaux et alpages qui nous entourent, puis carrément sur les cimes des montagnes. Le Gondor appelle ! Mais qui donc est monté là-haut en pleine nuit, à plus de 2500 mètres, sur des crêtes qui d’après ma carte ne sont même pas accessibles par un sentier ? Le phénomène est prodigieux et donne vraiment l’impression de se trouver dans le Seigneur des Anneaux. Nous apprendrons plus tard qu’il s’agit d’une tradition ancestrale du Tyrol («les feux du Sacré-Cœur ), prenant place le troisième dimanche après la Pentecôte: https://fr.tyrol.com/activites/evenements/feux-de-montagne

Par ce moment magique se conclut alors cette journée, dont on peut dire qu’elle nous a bien récompensés de nos efforts…