Mardi 1er juillet 2025
| Distance | 19 km |
| D+ / D- | 60m / 1998m |
| Heure de départ et d’arrivée | 07h45 – 13h45 |
| Météo | Beau temps, orages en soirée |
Au matin comme souvent après l’orage c’est un grand ciel bleu, et les conditions sont parfaites pour une journée “plaisir” . En effet suivant la même pratique que les années précédentes, j’ai tracé deux demi-étapes en guise de journée de repos : mon temps étant assez limité , je n’ai pas le luxe de faire des journées « 0 ». Il l’est d’ailleurs encore davantage cette année, puisque je n’ai que 7 jours devant moi, ou au maximum 8, car je dois retrouver ma petite famille au plus tard dimanche pour la suite des vacances. C’est également pour cette raison que Zuzana doit terminer ce soir, afin de rejoindre les enfants qui sont avec les grands-parents, tandis que je continuerai seul encore un bout. Cela nous impose de finir l’étape dans la vallée, à Taufers, ou elle pourra demain attraper un bus vers la gare la plus proche.
Cette demi-étape s’annonce évidemment plus facile que celle d’hier car seulement en descente, et avec moins de 20km pour rejoindre Taufers. Mais elle n’est peut-être pas si inoffensive qu’elle n’en a l’air : il y a tout de même 2000 mètres à descendre. Attention les genoux…L’autre particularité du jour, c’est que nous l’entamons avec une couche de vêtements supplémentaire : à cette altitude et au petit matin nous recontrons une fraicheur que nous n’avions pas connue depuis bien longtemps…Cela a le mérite de nous immerger encore davantage dans l’atmosphère glaciaire qui nous entoure. Les premiers hectomètres se font sur un vaste plateau tout de roches et de neige, que mon imagination a vite fait de placer quelque part dans l’Himalaya ou dans les Andes.





Il ne faudra toutefois qu’une vingtaine de minutes (durant lesquelles au gré des arrêts photo nous alternons plusieurs fois de position avec Fiona, la randonneuse suisse partie ce matin à peu près en même temps que nous), pour entamer à proprement parler la descente. Elle ne présente pas réellement de difficulté, ce versant étant bien plus clément que celui par lequel nous sommes venu hier. Mais il faut tout de même constamment observer où nous mettons les pieds, le chemin étant intégralement couvert de pierres, parfois glissantes ou roulantes. La progression s’en trouve assez lente, mais qu’importe -bien au contraire- car nous en prenons plein les mirettes.



Un peu plus bas, il nous faut traverser de larges ruisseaux, résultat de la fonte rapide des neiges. Partie ludique de la promenade du jour pendant laquelle nous devons identifier les passages les moins profonds et les plus stables…Lors d’un de ces franchissements je m’amuse du généreux marquage rouge et blanc du « sentier » : de ma position je parviens à compter 5 peintures en enfilade.



Une heure après notre départ et environ 500 mètres plus bas, nous quittons peu à peu l’étage minéral et surplombons alors une large vallée, qui coche toutes les cases de l’idyllique plateau de montagne : c’est vert, et au milieu coule une rivière. Nous aurons besoin d’encore une petite heure, et passer quelques autres ruisseaux et cascades, pour finalement y poser le pied et s’émerveiller du décor.




Par un petit pont nous rejoignons l’alpage et débouchons alors devant la ferme que nous apercevions depuis déjà un moment, et constatons alors qu’elle semble très bien entretenue et donc probablement occupée. En effet quelques encablures plus loin nous observons un homme qui y monte avec un énorme chargement de planches de bois sur le dos, certainement en préambule à un projet de bricolage. Il y en a qui ont du courage, car le premier parking se trouve encore à 500 mètres (de denivelé) plus bas… à moins qu’il se soit fait déposer le tout par un hélicoptère un peu plus loin ? Nous n’aurons pas la réponse à cette question, pas plus que nous ne vérifierons si les nombreuses vaches squattant en plein milieu du chemin ont le sabot et la corne solide : bien qu’elles n’aient pas l’air méchantes, nous préférons les contourner au prix d’un petit passage hors-piste.



Laissant derrière nous ce petit coin de paradis nous atteignons ensuite l’étage forestier à l’altitude 2000m (frontière climatique bien visible sur la carte tandis que j’écris ces lignes), et c’en est fini de l’agréable vadrouille. La déclivité se fait forte, les lacets étroits, et nous cheminons sur une sorte d’ancien sentier muletier paré de pavés rendus glissants par l’humidité, et qui invite à la vigileance. Heureusement, il est équipé d’une barrière en bois qui permet de s’y tenir lorsque le pied se fait moins sûr. Cette rembarde offrant également une protection psychologique devant des passages plus ou moins exposés, tandis qu’en plusieurs endroits le ruisseau se fait cascade, à en juger par le tumulte des eaux. Je ne serai pas tenté de m’écarter de notre itinéraire pour observer ça de plus près : une sage décision car de toutes façons niveau cascades nous serons aujourd’hui gâtés au–delà de nos espérances, comme nous le verrons plus tard.
Dans les derniers lacets nous amenant vers la vallée, nous sommes témoins d’un curieux phénomène géologique : le sol fume ! Il semblerait que de larges cavités se trouvent dans les parages, et que l’air chaud en sous-sol remonte. Au moyen-âge, on y aurait peut-être vu la manifestation de Marie puis construit un sanctuaire en son nom, mais en notre époque païenne, l’ensemble fait plutôt penser a une piste de discothèque. En tout cas, l’apparition était bien plus impressionnante de visu que sur les quelques photos que j’en ai ramené.

A 11h15 après un dernier évitement de bovins nous touchons enfin terre, c’est à dire que nous nous trouvons maintenant dans le (la?) Valle di Riva. Face à nous le bitume qui ne nous avait pas trop manqués. La voie officielle nous invite à remonter sur 3km vers le village de Rein in Taufers, pour emprunter un sentier qui repassera sur le flanc de la montagne qui nous fait actuellement face. C’est un sacré détour, dont l’intérêt peut être débattu, et motivé par la seule raison qu’il n’y a pas de chemin direct pour descendre vers Sand in Taufers (mais seulement une route). Lors de mes préparatifs je me suis longuement interrogé sur l’opportunité de passer par cette route, en empruntant également ça et là des chemins forestiers non balisés lorsque c’était possible. Le principal obstacle à ce plan étant un parapet couvert, sur près de 200 mètres, qui pourrait se révéler assez dangereux si des véhicules arrivaient d’en face. En scrutant Google Maps, j’avais tout de même eu l’impression qu’il y avait moyen de passer par en dessous (quitte a faire de la varape dans la rivière), ou par au-dessus, via un chemin de service destiné à l’entretien de l’ouvrage. Et puis, en lisant des récits d’autres « viaalpinistes », il apparaissait que certains avaient déjà tenté ce raccourci, en visiblement n’en étaient pas morts…
Nous nous lançons donc sur l’asphalte, 800 mètres de marche nous emmènent devant le demi-tunnel et ici il faut se rendre à l’évidence : le contour du haut nous est interdit par une végétation luxuriante, quant à s’aventurer vers le bas, ça semble un peu trop pentu et tout aussi confus. Tant pis, nous nous jetterons dans l’antre de la bête, au moins, la circulation est modérée… Pour ne pas s’éterniser dans ce passage à faible visibilité nous allons au pas de course. En sprintant sur la route avec le sac sur le dos me vient alors cette image des candidats d’émissions de télé-réalité du type Carte au Trésor ou Pekin Express. Personne ne nous prendra en stop pour nous faire gagner les 10 000 euros, et sortant du parapet nous rejoignons rapidement une piste forestière bien plus sereine. Une paix cependant rapidement troublée par des bûcherons, qui un plus loin ont complétement condamné le chemin d’un énorme tas de bois, derrière lequel s’affaire un engin effrayant. Il n’y a même pas un demi-mètre d’espace pour passer à côté, aussi devons-nous bifurquer vers le bord de la rivière en désescaladant un talus pour continuer à travers bois. A peine avons-nous récupéré la piste que celle-ci se termine devant l’entrée d’une carrière. Un panneau d’interdiction aux piétons étrangement dressé en cet endroit, laisse à penser que d’autres avant nous ont tenté le raccourci au milieu des camions-benne, et que ça s’est vu…Pas d’autre choix que de retourner sur la route, mais de toute façons il ne reste plus long à faire de cette section déplaisante, mais nécessaire.


Et en effet à peine 2 petits kilomètres plus loin nous faisons nos adieux à l’asphalte, entrant sur un parking en amont du « sentier des cascades de Riva ». J’avais repéré ces gorges sur la cartographie comme un probable point d’intérêt, mais sans me renseigner davantage sur le sujet. Aussi la surprise est grande de trouver une telle agitation, il y a ici beaucoup de monde de tous âges et horizons. N’ayant croisé que de rares randonneurs depuis le matin, c’est un choc de passer d’un extrême à l’autre, mais c’est souvent ainsi à la montagne où la foule se concentre vers les attractions les plus « accessibles ». Nous grimpons d’abord une éminence, site d’un ancien château dont aujourd’hui il ne reste que la chapelle joliment restaurée. Puis nous plongeons vers le défilé pour atteindre la première des cascades. On s’y bouscule devant pour obtenir le meilleur point de vue, mais on n’y reste pas longtemps : le débit est tel qu’à 30 mètres de distance on se fait arroser ! Comme un petit air d’Islande…Les plus organisés ont amené les k-way, les plus théâtraux en sont presque à enfiler le ciré jaune. Cela me fait un peu sourire sur l’instant, car j’ai le sentiment que l’objectif derrière ces accoutrements est davantage de dramatiser la photo à partager sur les réseaux sociaux qu’autre chose. Pour ma part, je trouve les gouttelettes plutôt rafraichissantes et salutaires, car nous ne sommes plus qu’à 1000m d’altitude et les 30 °C ne sont pas loin. Toujours aussi allergique à la surfréquentation, je ne traîne pas sur les lieux et nous continuons sur un sentier ombragé qui nous mène à une seconde, puis une troisième cascade. Cette dernière est tout aussi jolie que la première , pour les amateurs de sensations fortes il est aussi possible de l’atteindre par un parcours « aventure » en tyrolienne qui passe au-dessus des gorges: je m’en passe bien volontiers…




L’esprit est plutôt à la pause, car mine de rien ça fait un petit moment que nous en sommes en route, et après avoir descendu 2000 mètres on ne serait pas contre se poser 5 minutes à une buvette. Malheureusement rien de cela ici, et si plus loin nous découvrons bien un snack, celui-ci est bondé et nous préférons filer jusqu’au camping de Taufers qui n’est plus qu’à un jet, histoire de poser les affaires d’abord. Nous l’atteignons à 13h30, et l’endroit ne me fait pas forte impression : en sortie de village au bord de la route, pas un arbre, déco modernes du type bassin artificiel (alors qu’on est à la montagne et que le torrent coule juste à côté…), logements « insolites » qui font plutôt penser à des containers, et lorsque qu’il nous faut traverser le restaurant/bar pour se présenter à la réception, j’ai un tantinet l’impression de me trouver dans le lounge d’un aéroport. Ils appellent ça pompeusement « glamping », certainement pour donner un cachet nordique suivant la mode du moment, mais l’ensemble ressemble davantage à un parking pour camping-cars qu’à un spot nature sous les Fjords. Aussi sommes-nous un peu inquiets au moment de quémander un emplacement tente, inquiétude confirmée quand nous nous rendons à l’endroit désigné : la zone est entièrement gravillonnée, et seule une maigre bande de pelouse la sépare de l’emplacement qui lui fait face. S’en suit reconfirmation à la réception que c’est le bon endroit, puis appel du manager, qui dit qu’il ne voit pas le problème et que nous n’avons qu’à nous mettre sur la bande de pelouse, ah bon très bien…Alors que l’idée d’aller voir ailleurs nous traverse sérieusement l’esprit, nous nous ravisons car le camping est proche de l’arrêt de bus que Zuzana doit rejoindre très tôt demain matin, et ça n’est que pour une nuit après tout. Nous les prenons donc au mot et nous installons hors emplacement sur la pelouse, 55 euros pour poser sa tente sur un parking c’est aussi ça le Tyrol du sud ! Au moins, il y aura la douche, et par cette chaleur c’est fort appréciable.


La logistique réglée et le campement installé nous basculons en mode touristes du dimanche, la mission est de marcher le kilomètre et demi qui nous sépare du centre-ville pour y trouver bière, glace, et autres récompenses du marcheur. Nous y passerons une partie de l’après-midi en et testons trois terrasses sous la chaleur étouffante, puis je fais quelques courses d’alimentation pour les jours qui viennent. Enfin, le soir, nous dinons à la pizzeria de l’aquaparc proche du camping. Dehors l’orage gronde et le vent se fait violent, au point que nous nous demandons si nous allons retrouver la tente à notre retour. Heureusement tout a bien tenu, et ravis de pouvoir dormir sous une température un peu plus clémente, nous regagnons nos couchettes.



