Etape 6 – Črna prst → Ukanc – km 153

Mercredi 5 juillet 2023

Distance15 km
D+ / D-73m / 1365m
Heure de départ et d’arrivée08h00 – 15h00
Météo
Fine pluie puis grandes éclaircies en début de journée, beau l’après-midi. 25°C en bas

La nuit n’a pas été très bonne. Outre les ronflements assourdissants du voisin, mon estomac a souffert du chou servi au dîner, m’obligeant à visiter plusieurs fois les toilettes turques du refuge.

Peu avant 5h du matin, la plupart de mes camarades de chambrée ont déjà plié bagage, et à 5h30 le soleil illumine ma couchette, placée tout juste en face de la fenêtre qui donne plein Est (pas de rideau ni de volets).

Bien réveillé, je n’ai pas pas d’autres choix que de me lever. Mais dans l’euphorie de mon arrivée hier j’ai commandé le petit déjeuner, donc pas question de partir avant que les gardiens ne soient levés. Je traîne alors un peu devant le refuge pour prendre des photos aux premières lueurs du jour. A 6h30, je suis témoin d’un spectacle fabuleux, avec un arc en ciel se formant juste devant mes yeux après un petit passage pluvieux. Cette demi-heure passée à regarder ce paysage justifie à elle seule tout mon voyage.

Je prends également le temps d’étudier la suite du parcours, car celle-ci me stresse pas mal depuis hier. Le tracé de la Via Alpina passe ensuite sur des crêtes, semble-t-il assez exposées. Les commentaires sur le site officiel ne me rassurent pas : «ne pas faire seul avec un grand sac », « être en parfaite condition et ne pas aller par temps pluvieux » (justement des averses sont possiblement prévues aujourd’hui), « on voit sur le sentier les stèles commémoratives des gens qui sont tombés », « près du sommet Rodica, en Italie ils nommeraient ça une via Ferrata » etc etc.

Le gardien finissant par apparaître, je l’interroge aussi sur le sujet et il me confirme qu’il y a plusieurs passages où la glissade est interdite, sous peine de dévaler plusieurs centaines de mètres.

Cela fini par me convaincre de ne pas faire cette section. Regardant des vidéos plus tard, ça n’avait pas l’air finalement beaucoup plus terrible que ce que j’avais déjà fait, mais à cet instant, je juge trop dangereux de me lancer seul. En vieillissant je souffre en effet de plus en plus de vertige, et surtout, je me sens lessivé après 5 jours assez intenses. Hier soir, j’ai eu un gros coup de mou mental, sans doute causé par la fatigue de l’étape, combinée à des passages déjà un peu exposés et qui ne me mettaient pas à l’aise. J’étais tellement cuit que j’ai même fini par envoyer des SMS, pour dire que j’allais peut être rentrer à la maison un jour plus tôt et sauter la dernière étape, histoire de me retaper avant de reprendre le boulot lundi. Ce matin je n’en suis plus forcément là, mais je suis plutôt dans l’envie d’y aller un peu plus cool.

Je décide donc qu’aujourd’hui sera journée de repos, et dessine un itinéraire alternatif. Celui-ci longe la crête pendant seulement quelques centaines de mètres, avant de plonger vers la vallée pour retrouver le plancher des vaches à Bohinj. Là-bas, j’irai me poser dans un camping pour souffler un peu, et demain, je remonterai dans le parc du Triglav par une autre voie, moins exposée. Après le petit déjeuner, je discute un long moment de mon itinéraire avec le gardien. Il est vraiment hyper agréable et de toute évidence un amoureux de ces montagnes. Je lui achète une carte postale qu’il va affranchir et expédier pour moi, puis l’interroge sur le chemin que j’ai repéré sur mon plan. Il me confirme qu’il l’a déjà emprunté, au moins dans sa première partie, et qu’il devrait être donc bien tracé.

Le temps de filtrer mon eau au collecteur local et remplir mes bouteilles, et je me mets enfin en route. Les premiers hectomètres sur la crête sont splendides : aucun regret de devoir la quitter, car j’ai l’impression d’en avoir vu l’essentiel et je me sens rassasié côté paysage.

Je mets ensuite le clignotant à droite pour amorcer ma descente vers la vallée. Celle-ci sera interminable. Le chemin est peu fréquenté et irrégulier : la vigilance s’impose pour ne pas se tordre la cheville. De surcroît je m’impose un rythme très faible dans les descentes, par peur de réveiller une douleur au genou gauche qui m’a embêté l’année passée dans le Val d’Aoste. Il y a heureusement quelques vue vers le Triglav (sommet culminant de la Slovénie) qui rendent l’ensemble moins barbant, mais il me faudra tout de même pas loin de 3h pour descendre ces 1200 mètres et arriver au hameau de Žlan. Je ne m’y attarde pas car en bas le soleil tape fort et les lieux ne sont pas ombragés. Je file alors en direction des berges du lac de Bohinj (Ribčev Laz), endroit que je connais particulièrement bien pour l’avoir déjà visité en deux occasions, lors de vacances précédentes. Après encore une grosse heure de marche, par bonheur sous couvert, dont le seul intérêt résidera dans la découverte d’un tremplin de saut a ski désaffecté, j’y arrive enfin vers 12h30.

L’endroit est comme attendu très touristique, je m’y arrête néanmoins pour visiter la boutique souvenirs. Je n’y trouve rien de petit et léger à ramener aux enfants, mais j’achète deux nouvelles cartes postales à leur envoyer. Je les écris en buvant ma traditionnelle bière de mi-randonnée, et celles-ci postées, je repars en direction du bord du lac. L’atteignant, je remarque que la folie paddle a gagné même les coins les plus reculés. A cet instant me vient la réflexion qu’avec le marketing approprié, on pourrait sans doute aussi vendre des vélos qui se pédalent debout, le confort d’utilisation semblant être un critère moins important que le style que cela vous donne.

Fuyant les lieux je passe alors devant un restaurant où on avait mangé il y a quelques années, et je ne peux résister à la tentation de m’y arrêter. Zone touristique oblige c’est un peu plus cher que la moyenne pour la Slovénie. Mais le décor est chouette (il se trouve sous une grande paroi rocheuse), les pizzas y sont bonnes et ils ont même de la bière artisanale locale.

Je quitte l’endroit le ventre heureux pour me diriger vers Ukanc, à l’autre extrémité du lac. J’y ai repéré un grand camping, j’espère donc ne pas avoir trop de difficultés à trouver un emplacement libre. J’y suis à 15h00, c’est quand même un peu la folie, il y a beaucoup de monde (dont beaucoup de tchèques), mais ça me dérange pas plus que ça, après tellement de temps en solitaire. Les beaux emplacements sont évidemment pris, mais on me laisse m’installer en placement libre, dans un sous-bois. Je plante ma tente dans les feuilles mortes, stratégiquement près du bloc sanitaire (pour la simple raison que je n’ai pas de sandales : pour aller aux toilettes ou chercher de l’eau il faut donc aller en chaussettes. Ou à la limite si je suis courageux, en enfilant seulement à moitié mes chaussures hautes, et en me dandinant comme un canard…)

Je me repose le reste de l’après-midi, en bouquinant allongé dans la tente, puis en mangeant mes provisions. Ayant beaucoup plus de temps libre que d’habitude avec cette petite journée, je ne regrette pas d’avoir emporté un livre, malgré les 200 grammes supplémentaires dans le sac à dos. Par contre, en dépit de plusieurs aller-retours vers la borne de recharge, impossible d’y brancher mon téléphone, tous les casiers étant systématiquement squattés (et surveillés tels par des dealers au coin de la rue !) par les ados du camping. Même tôt le lendemain matin je n’arriverai pas à y trouver une seule place: je les suspecte de fermer les casiers de recharge même quand ils ne les utilisent pas, pour se les réserver. Joies du monde moderne…tiktok passera avant ma navigation et les prévisions météo. J’utilise donc ma batterie de secours pour recharger, en me disant que je trouverai bien une prise à ma prochaine étape. Dans la soirée, je prends la décision d’un itinéraire pour les prochains jours et dessine 3 étapes qui m’amèneront jusqu’à l’arrivée, puis vais me coucher, après avoir lu encore un peu à la frontale.