Etape 7 – Ukanc→Koča na Planini p. Jezeru – km 167

Jeudi 6 juillet 2023

Distance14km
D+ / D-933m / 0m
Heure de départ et d’arrivée08h30 – 13h30
MétéoCouvert le matin, éclaircies à midi, pluies dans l’après midi, ~20 °C

Pour ce qui est de suivre ou non le tracé officiel de la Via Alpina, je n’ai jamais été dogmatique. L’essentiel en ce qui me concerne étant de réaliser un trajet complet à pied, et de voir un maximum de beaux paysages. On peut sans doute dessiner quelques milliers de traversée des Alpes différentes, et si je devais continuer l’année prochaine, j’ai déjà quelques petites idées d’un itinéraire sortant des sentiers battus…

Le second mot d’ordre est aussi de ne prendre aucun risque, car je marche seul et on compte sur moi à la maison pour rentrer en pleine santé. C’est pour cette raison que me sentant fatigué, je suis redescendu dans la vallée hier. Et c’est aussi pour cette raison qu’aujourd’hui j’ai décidé de remonter dans le parc du Triglav par un chemin d’accès « tranquille », par la rive nord du lac de Bohinj, plutôt que le raide et exposé sentier en fond de cirque, qui ne me tente pas plus que ça. Surtout que la météo ne s’annonce pas au beau fixe. Ca me rallonge un peu, mais j’ai en fait beaucoup de temps : comme j’ai bien « carburé » depuis le début de ma randonnée, j’ai gardé mon jour de marge et de sécurité. En suivant mon plan, je devrais donc en terminer samedi soir car j’estime pouvoir atteindre la frontière italo-slovène en 3 jours.

Autre décision à prendre : le refuge où dormir dans le parc national. J’ai en effet planifié mon itinéraire pour ne dormir qu’une seule nuit supplémentaire dans le parc (après celle de Črna Prst), reste à savoir à quel endroit. Je m’attends à ce que la cohue règne dans les refuges proches du sommet du Triglav (très touristique, et beaucoup de candidats à l’ascension, on dit que chaque slovène doit le faire une fois dans sa vie). Je préfère donc me tenir un peu à l’écart. Mon choix se porte sur le refuge Koča na Planini pri Jezeru. En partant de là demain et au prix d’une bonne journée, je pense pouvoir faire d’une traite la traversée des lacs du Triglav, et redescendre ensuite à Trenta, où se trouvent des campings. En outre la météo s’annonce bien meilleure pour demain : je préfère donc retarder mon passage, pour profiter au maximum de ce que j’espère être l’étape reine de mon parcours, du point de vue des paysages. Ca me fera une journée très courte pour aujourd’hui, comme hier, mais on va dire que 2 demi-journées = ma journée de repos. Je me rattraperai ensuite.

Un autre motif pour aller à ce refuge: on y était monté lors d’une randonnée pendant nos vacances en 2014. Tout était alors fermé, c’était au mois de mai et ça n’avait pas été chose facile d’y arriver, car il s’y trouvait encore en cette saison là une bonne couche de neige, malgré l’altitude relativement faible (1450m). C’est un bon clin d’œil d’y retourner, et puisque ça avait l’air très joli, de revoir également les lieux sous un meilleur climat.

Le matin, je téléphone au refuge pour réserver une couchette, puis sans hâte, je me mets en mouvement. L’autre avantage de mon chemin alternatif est de profiter encore un peu du lac et d’en faire presque le tour. Par chance, les plus belles vues se trouvent à son extrémité ouest.

D’une balade agréable ponctuée de quelques pauses photos, je regagne l’autre bout du lac en un peu plus d’une heure. Entre-temps, la masse touristique s’est réveillée et a commencé à se mettre en branle. Je passe devant des parkings se remplissant rapidement, puis marchant le long d’une route fermée par une barrière mais accessible moyennant péage, suis surpris d’y être dépassé par bon nombre de véhicules. A en juger par les plaques d’immatriculation, il n’y a pas ici que des riverains. Je trouve ça dommage, mais en même temps, ça fait vivre la région…

Heureusement je quitte assez vite la route pour prendre un sentier qui grimpe tout droit. Ca tire très fort dans les pattes, et pour couronner le tout, le soleil et la chaleur ont pointé le bout de leur nez. Dès les premiers mètres je suis dépassé par deux nanas en mode « sortie fitness/trail », et qui grimpent presque en courant, alors que pour ma part chaque pas me brûle les cuisses, la machine n’étant pas encore tout à fait chaude. Je me sens comme un buffle derrière deux antilopes. Les lieux touristiques et son cortège de visiteurs au capital fraîcheur intact, se montrent parfois impitoyables pour le randonneur au long cours.

Après une ascension d’1h10 j’arrive sur les coups de 11h30 au refuge de Kosijev dom na Vogarju. C’est l’heure de ma traditionnelle pause Laško. Le refuge est très beau et accueillant, on y passerait bien 1 jour ou 2, si on avait que ça à faire. Je profite de la table pour sortir mon bazar et préparer mon picnic, en l’occurrence un autre classique : le sandwich thon-mayo.

A ma droite il y a les deux nanas de tout à l’heure, à ma gauche il y a 2 gars, avec des sacs à dos énormes, que j’entends parler anglais et qui mangent aussi du thon. Ils repartent quelques minutes avant moi et une demi-heure plus tard, dans l’ultime montée menant au refuge ou je ferai étape ce soir, je les rattrape dans un raidillon. Ils semblent peiner avec un sac à dos très (trop ?) lourd. A cet endroit, nous nous trompons tous 3 de chemin, et en regardant nos GPS respectifs nous faisons le même constat, à savoir qu’on est au minimum 30 mètres au-dessus du bon sentier. Alors qu’ils font demi-tour, je coupe tout droit à travers pente et forêt pour rejoindre le bon tracé, sous leur regard interloqué. Je ne suis plus un buffle. Tant mieux car il m’aurait peut-être alors été plus délicat de passer les deux gardiennes postées à quelques encablures de l’arrivée du jour. Je passe prudemment entre elles, sans geste brusque et prenant garde de ne pas me trouver à portée de sabots, des fois qu’une mouche les importunerais au moment où je passe derrière leur arrière-train.

Vers 13h30 je me présente à l’entrée du refuge, être un des premiers arrivés m’offre le luxe de choisir mon lit dans le dortoir, j’opte évidemment pour le meilleur emplacement, près de la fenêtre. Pas plus d’une 1/2h après, il pleut des cordes, ce qui valide mon choix d’avoir gardé la belle étape pour le lendemain.

Entre-temps, les 2 gars que j’avais croisé dans la montée débarquent aussi, et s’installent dans le dortoir. Je ne suis pas d’un naturel bavard, mais alors eux c’est encore le niveau au-dessus. Finalement, j’arriverai à briser un peu la glace plus tard dans l’après-midi. J’apprends qu’ils sont tous deux canadiens, venant d’Ottawa, malheureusement ils ne parlent pas français : comme ils me l’expliquent là-bas tous les anglophones l’apprennent à l’école (plus ou moins sérieusement) puis l’oublient, un peu comme les français avec l’allemand en somme. Ils randonnent un peu au hasard dans le parc du Triglav, mais n’ont pas l’air d’avoir tellement étudié les lieux parce qu’ils ont déjà du faire demi-tour une fois, sur un chemin qu’ils ont jugé trop dangereux. Ils sont un peu étonnés quand je leur dis que je compte aller à Trenta demain, trouvant que c’est très loin. Si je devais porter leurs sacs, c’est sûr que je n’irais pas non plus (emportent-ils des casseroles?). Je leur souhaite bonne chance pour la suite puis chacun regagnera ensuite ses occupations. Pour tromper l’ennui je vais faire un petit tour au lac se trouvant en contrebas du refuge (la pluie s’étant arrêtée). J’y observe une vache broutant dans une étendue marécageuse, les pieds dans la boue. Je me demande si elle va s’y enfoncer, imaginant au passage toutes sortes de scénarios fantaisistes (incluant un hélitreuillage pour sauver la bête), qui évidemment ne se produiront pas.

Je retourne au refuge dans la salle commune avec mon bouquin, qui m’a sauvé de l’ennui total ce jour-là (« Une histoire des abeilles », par Maja Lunde). L’ambiance n’est trop montagnarde, l’endroit étant facile d’accès il y a ici beaucoup de groupes, et même des familles avec enfants. J’y retournerais bien dans d’autres circonstances, mais tout seul ça n’est pas trop amusant, d’autant que les hôtes sont là pour faire du chiffre et ça se voit. Après avoir mangé un plat de macaronis de qualité très passable (avec une sauce bolognaise de toute évidence sortie d’une conserve), je tente en fin de soirée de demander une goutte au patron, me disant que ça m’aiderait à m’endormir vu que l’effort physique n’a pas été violent aujourd’hui. Lui expliquant que je prendrais bien une poire, je prends espoir lorsqu’il part chercher une bouteille sans étiquette de sa réserve. Mais je suis vite douché quand je me vois présenter une note de 5 euros. J’espérais un geste, surtout que j’ai pris ici nuit + dîner + petit déjeuner, mais apparemment, ça n’est pas le genre d’endroit. Fin d’une journée un peu longue : j’aurais peut être pu faire une petite boucle supplémentaire, mais en même temps j’aurais pris une grosse averse, donc pas trop de regrets. Et je suis frais pour attaquer la fin.